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boudi's blog

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17 février 2011

Songes.

Mon écriture est pleine de rêves mauvais. Ne la prenez pas dans vos vacancières malles.
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16 février 2011

Opales de rescousse



Si tu savais comme il m’est doux ton visage quand il sort des eaux mortes du matin, que je le vois paraître et disparaître dans les hésitations du chant immobile, cette marée des sons lancinants qui jette au silence ses goëmons légionaires ; déclenche leurs trémas, vaporeux, d’absence, le lichen violet des mers ivres, pendues à tes baisers orphelins. Si tu savais comme il m’est doux de te savoir apparaître, tous mes mercredis soirs à tes vingt-trois heures trente précises, toi l’inconsolable aux yeux de veuve, de lins et de sciure, toi et ta chevelure de vallée à laquelle je tresse tous les jours les vers que je peux, avec des toits de chaume et d’hémistiche pour les garder des mauvaises nuits. Il est vingt jours que je t’écris ici, que ton prénom sous le papier carbone des secrets se montre, que ton visage dans le bain mauve de l’insomnie se révèle comme la photographie traînée des chambres sombres où je songe nos émois. Ma petite silencieuse, au teint de césures, dans nos indifférents brouillons bercés des mélodies enflées de creusures, sabotés de violons et

D’iambes figurant les détresses noyées

Roulent leurs fruits de noyers
                                                Dans la rue Saint-Jacques fermentent nos baisers de pêches, je n’ai pas de mois de mars pour les voir fleurir et dorer, mords la chair du fruit sûr, c'est ma peau, ni d’hiver à rester voir les pommiers normands à la peau jaunie des soupirs d'automne, et la berceuse des mers du Nord dont on devine l’horizon mugissant de mon départ, me déchire déjà. La fêlure de février est mon mourir, ces trois jours amputés au bout de son bras fondront mon deuil dans l'alliage creusé aux partitions. Le moignon du meurtre dira-t-on. Il me reste un mercredi depuis cette nuit où voir chatoyer l’écume sémaphore de tes boucles blondes, de ta tresse angelote, qui tombe sur ton front comme une pudeur dissidente. Je n’ai plus qu’un mercredi, pour te confier ce que tu devines de mes gestes alanguis pour toi, entravés de mes nerfs pour le parler muet, quand je te cause, de mon insolence déjouée- cette bombe pleine de rires, c’est toujours en trainant des crampes à mes orteils. A mes tempes les essuies-glaces font le mouvement des heures rythmées, et s’impatientent, leurs deux yeux d’anguilles me pressent de restituer à la mort ce temps que je laisse délabré. J’ai eu assez d’ardeur en vingt ans, pour ne jamais ternir. C’est d’un sommet que je me jette ; d’une brûlure que je meurs les yeux grands ouverts de n'avoir en vingt ans jamais connu la nuit en sommeil. Il n’est que pour toi mignonne, que j’abandonne, mon insupportable parure de caprices et mes cheveux coiffés en révolte, ces piquets noirs de débris. Je dépose les figues et l’été sur le seuil de nous, en dehors de nos paroles d’oiseaux rares, du ramage de ton teint, je laisse mon indifférence sur les yeux pâles de l’Université, mes ergots là-bas, pour te venir la gorge virginale, le ventre ébloui de la même faim que ces gosses de dix-sept ans que l’ivresse, fraudant la lucidité érodée, fait roter d'hommes. J’abandonne sur les sièges du RER la haine polie et les voix mortes, il est de belles figurantes dedans aux voix sèches d’alcool. A mes sens vivants elles sont des trompe-l’œil, apparences humaines épaisses comme de l'ombre. La mort je m’y suis fait en fixant, curieux, les grisailles de leurs yeux, les cils de barreaux devant la lumière captive, gémissante, bêlant comme les loups mis à l'enclos. Mes regards sont de la cendre noire, compostée. Des feux venus de si loin, qu’on les porte précieusement, comme des sacrilèges ou des cercueils, et brûlent sans faillir les orbites hallucinées, répandant largement l'orgueil de ma jeunesse. Vingt ans d’excès se payent d’un vertige, au sommet du Mont-Valérien, où je trébuche bientôt.

 

Ma très légère, mon enfance muette de signes, se répand sur toi la douceur accumulée deux jours dans la semaine à mettre ma défroque de gamin morveux, à bailler des mots ennuyés d’être là, de sortir pour « ça ». Je suis heureux mais impatient et quand mon visage prend ses airs graves, hideux de torture et de serpes, c’est que j’ai mis le masque de mes imaginaires, que tout moi me parcourt, se comprime dans mes reins et m’invente, et discrédite le soupçon des choses poétesses. Si je me tais, la lèvre compromise de tristesses, c’est que je jubile dans ce dédale mouvementé de dans moi, qu’il est ce monde de couleurs froides me frôlant les organes de lave où je vis vraiment avec ta pensée. Je me tais de parler en moi-même aux souvenirs, mon visage est un archaïsme, autres temps, autres joies, se rencontrent dans moi notre histoire et son annexe la mort.

 

Le réel cette chose des parjures.

 

Je n’ai jamais pu coucher une fille sans lui formuler des mots d’amour, de n’avoir rien d'autre à présenter qu’un peu de poésie raclée, aux ongles noirs, de m’excuser ainsi de mes audaces de bientôt, de mettre entre son corps et le mien ce spectateur inerte aux parfums plus lumière que leurs yeux de disparues. Ma poésie est un pardon que je fabrique pour les amantes de ne les pouvoir aimer, de ce bouquet de rimes monte l’odeur de regrets ; mon silence la confession à ces mélanges de prêtre qu’on voit sous les fronts bas des bibliothèques, je dis aux gravures, aux illustrations, les pauvres larmes versées d’elles, ce ventre de moi est un lac des eaux bouleversantes, je suis ce Niagara à la cascade émue. Pardon Marion, pardon Wendy, pardon Loriane, pardon, Marianne, pardon Céline et pardon Elodie, pardon à toutes et pardon à Guillaume et Clément, pardon Emilie pardon à tous les abandonnés, toutes les délaissées, pardon de mes rages et des mes fièvres. D’Eragny à Tizi, de Bruxelles à Genève, de Gand à Quimper, de Jijel à Munich. Je devais pour m’initier du bois sec de celles-là, simuler les passions comme on souscrit les incantations d’entre les proues de l’enfer aux cous tatoués des meurtres. Autorisez moi les plaisirs d’ecchymose de vos yeux.« Ecartez-vous flots venimeux, je dois fuir mon appartenance et mon prénom d’Egypte poursuit jusque dans vos eaux troubles et austères mon autre prénom hébreu ; Je m'appelle Najib et Jonathan. Jérusalem c'est moi ».

Je suis bien plus loin que la réalité.

16 février 2011

http://youtu.be/o9nnGoLPlag

http://youtu.be/o9nnGoLPlag

15 février 2011

"Strophes pour se souvenir"

Au vingt-huit de février l'on me cherchera en vain, et ma vie se sera télégraphiée jusque de l'autre côté du langage, dans la glace et l'immobile blancheur que fait l'hiver du corps, la saison attachée en amour à vos pupilles sèches et mortes. Je serai gercé des grandes musiques, gercé de leurs sabots enfumant le ciel. Au vingt-huit février, le reste de la gente humaine, ira s'occuper, bricoler ses emplois, ses amours, ses ruses, ses ambitions et ses soupirs, apprendre, et espérer des futurs curieux et inquiets, et je serai tout figé du sourire des voyageurs. De ceux-là qui vont dans tes terres vierges de souillures, qui vont où personne ne peut abimer, aucun guide touristique, aucun hôtel, rien de ville et de climat que l'inconnu. Nombreux s'y rendent mais aucun revenants, nul cartographe pour la topographie du terrain, des rues de noms anonymes et des avenues obéïssante de silence. Je me rends sous un paysage d'ombres et de mystères, dans les reliefs peinturés d'une eau-forte. Tout figé de la beauté supérieure de celui parti d'en pouvoir encore et de sentir tout le mal de lui, débordant comme un royaume, gonflé comme une source de torpeur. J'ai bu les eaux empesées du drame ou du givre et le vingt-huit février j'ai tout organisé ma noyade jusqu'aux bulles de marécages de ma gorge. L'on me cherchera vingt-cinq heures, dans les foyers, dans l'Université, chez les amantes on murmurera ma fin comme une rumeur pleine de croupissures et de mots. Au vingt-huit février, je serai moins que je n'étais déjà. J'aurais fait mon dernier pas dans la grâce, collé au front d'un amour mon dernier baiser. Je ne verrai pas la Hongrie, je ne verrai pas mon moi diplômé, cette photo de renoncements sera à d'autres que moi. Je meurs déjà comme une intention courbée, je meurs déjà comme un souhait lent à murir, et qui ne se boit que d'avoir patienté dans son propre corps, ces futs de chênes et de peaux. Au vingt-huit février, je n'aurai rien dit que des silences, et ma voix aura décru à la faveur du bruit, ma voix aura décru comme devant le printemps les rivières apaisent leurs cours et se cherchent des eaux immobiles pour réfléchir les jupes des filles qui dansent dessus eux leurs parfums suspendus. Le vingt-huit février, on pleurera un peu, puis on se souviendra ma mine de torture, et mes petites manies scélérates. Je n'en dirai à personne que je succombe déjà, et que j'achève l'ivresse d'être, un vingt-huit de février au moment des sursauts de l'hiver, des tentations de printemps.

Ayez pitié de ma vocation de silence, d'être des fibres qui s'enflamment une dernière fois dans le souffle lent des condamnés à mort et de filtrer entre les globules firmaments de choisir la danse dans les tissus de ce luth gravé de noms et de sanglots. Ayez pitié de me vouloir répéter les fiançailles de révoltes qui me remontent jusqu'aux doigts, ces récifs perçants la cale des bateaux négriers. Ayez pitié de ce chant mourant d'agonie, comme une dernière promesse, et qui va arpentant toute l'étendue de cette lande bénie, à l'intérieur de moi, fraudant son excès, resquillant d'une brisure jusque l'autre voyage la sinusoïde des fêlures. Dites vous surtout que ma mort prolonge vos vies, qu'à demeurer ici j'aurais fini par en agonir quelques uns de vous de ne plus savoir où porter mes coups ni où jeter mon écume. Tendez moi un corps, et je le meurtris, et je le brime. Je meurs d'avoir un combat tenu dans cette larme sèche, et permanente de mes déceptions. Tous les jours je pleure le sable de la défaite.

A la fin février, comme ceux de l'affiche rouge, j'irai m'écrouler libre et résistant au Mont-Valérien, sans crier de la France, je dirai une parole d'infini, éclairé de ce lacet de joie qu'il y a à réveiller la part moqueuse, ténue réfugiée dans ma vie. Mon pas titubant de son ultime ivresse. A mon insolence je donnerai alors des frissons et des ailes et l'air de reproche des oiseaux de nuit invisibles. La nuit dira au jour qu'elle vit passer une bête curieuse, libre au profil de condor, elle dira que ses plumes étaient noires de terreur et son bec menaçant comme la littérature, qu'il poussait de sa gorge des fièvres de nouveau-né et un dernier chant triste sortait de lui, une sorte d'ode à tous les malheureux pour les réunir dans la  plainte que laisse un homme devenant fantôme, un homme demeuré ombre qu'on ne distinguait qu'à demi dans la mosaïque scrupuleuse des aurores.

J'irai assis, la nuit, sur le tertre des incertains m'inonder le visage de souvenirs puis de regrets et laisser ce petit mot à mon amour, mon orpheline qui mélange avec ses coudes mon prénom, je lui laisserai ce petit rien à mon Hélène« Je te lègue un peu plus tôt que prévu ta part d'enfer pour qu'après même que mes bras auront desserré leur étreinte d'odeur tu te souviennes de ma chaleur». C'est qu'ironiquement je m'en irai sans amis, sans confiance, mais avec des lecteurs, vous-là. Camarades et voisins de mes vociférations. Je meurs, et c'est un événement heureux, l'angélus tonne je l'entends à ma fenêtre, il entre dans la chambre avec son murmure cantique.

Partir, hurlait Minetti sous la neige hirsute de Salzbourg, et j'entends avancer la fanfare qui annonce les péris rares renoncer aux boucles de solfège et les paroles de sable qui étrennent les solitudes, maudissant les salants de venir si tard enflammer la bouche de goût, et les poivreuses figures d'enfin apparaître sous le nuage mâché de l'adieu, le souffle tardif mais l'inquiétude ponctuelle.

Je jure qu'en me jetant de ce vitrail de plumes et de feuilles, de cette petite butte qui regarde du canon Paris et tend comme un menton son Fort intérieur, je jure que je ferai dans l'air une cabriole pour laisser aux ciels la trace d'un bonheur innocent et paraître, dans le suaire triste des jeunes adultes suicidés, la pointe déchirante d'une étoile. Le suicide n'est pas un sujet grave ou sérieux, je meurs pour me distraire.

Pardon, pour ceux qui vont rester. Pardon pour les indifférents auxquels les funestes honneurs iront mendier les larmes en souvenir, et les deuils en partance, pardon pour les lentes processions obligatoires, l'on réquisitionnera vos tempes et vos yeux, le temps perdu et les muscles blêmes, les misères s'enterrent tout de même, les pauvres ont droit aux tristes hélas, et se consolent de fruits mauves et de lèvres déchirées. Les peaux pourrissent moins vite sous le double voile de la honte et de la mort.

Je pétrifierai l'assistance de laisser sur mon corps brisé et serein, un sourire et une lettre de joie d'avoir vécu ma vie toute entière, d'un bout à l'autre, et conquis des publics jusque ces deux ans fatals qui me firent serrer le noeud coulant des paresses et des ennuis. Les mornes bavardages des fortunes ; des dents qui claquent de froid comme des monnaies au comptoir ont fini de m'écœurer. Deux ans de dégoût figent au dessus des yeux gris un torse de potence. Deux ans à vouloir entrer partout, épiant, notant tous les gestes de mes attentions et de ma mémoire pour savoir comment bien briser les corps contrits et les meutes bourgeoises. C'est un échec rigolo que celui de mes luttes d'avoir cédé aux joies, aux filles, aux vins et au plaisir, il n'est pas comme à Lorenzaccio de figures de la tyrannie à terrasser, pas de dragon à pourfendre du bras animé, purifiant de Saint-Michel. Lorenzaccio n'avait de vertu plus que celle que fait dans les mains le crime brutalisant l'injustice, essuyant la dague empoisonnée jusqu'à la pointe de son vice dans le corps tyrannique du Laurent de Médicis et l'injustice nébuleuse aujourd'hui d'être partout, étalée dans le monde répandue comme atmosphère sinueuse qu'on ne peut chasser sauf à cesser de respirer, n'offre aucun mortel repentir, nul mortifiant réconfort. Ne me reste que d'avoir trahi, de m'être mêlé du sort de petites filles jolies, d'avoir sacrifié ma poésie pour des tendresses faméliques, des  comme au bordel qui vous durent juste le temps de vous user l'âme, et à cinq heures la rapiécer avec les ongles, avec la peau, troqué toute ma fatigue et ma nuit contre un peu de monnaie courante d'avoir dérobé à la cause des sacrifiés deux ans. Deux longs ans, plutôt que faire le complot, passée à jouir entre les cuisses d'aube, et les liqueurs vertes de mes almanachs amours, deux ans de trahison, se payent de son propre corps et de ne pouvoir retrouver la grâce gênante que celle de mes dix-sept ans enduits d'éclats, ne me reste qu'à me jeter de cette belle tour de songes, et de demeurer inerte jusqu'à ce que les promeneurs m'y trouvent, méfiants de cette dépouille d'un si jeune dépassé par la vie, qui ne le retenait plus, et coule tout autour sans plus le tremper, ce garçon aux lèvres sèches et au front délaissé, dépassé par la vie qui se pressait, se pressait, et bousculait en le déshabillant, lui délabré mais le teint satisfait d'avoir vu l'extrême des défaites, d'avoir visité toutes les caves de la terre, bu le vin à la racine des ceps, étudié les spéléologies du monde, fouillé les vestiges enterrés dans les reins de filles. Je vous parle de la petite mort qui rit, et je m'en vais heureux, d'avoir tout su d'ici. Mes yeux sont gais, je meurs sans pleurs dans moi pour le futur aux yeux crevés qui vous attend avec sa gueule de torture et les grouillantes masses d'insectes qu'aucun entomologiste ne peut classer. N'en voulez pas à mon ombre de demeurer encore un peu accrochée à ma peau et vous railler, c'est moi qui demeure en attendant un peu que mon visage de victime disparaisse d'entre les mémoires. Je laisserai assez d'insultes pour que tous m'oublient sans peine. Dernière geste de ma bonté, tige supérieure du lierre d'émoi et ses griffes sans fin. J'ai trouvé pour l'adieu une fille à la pâleur de morte, qui si elle se tient au dessus de moi, gisant, me ferait un beau marbre tombal à l'épitaphe changeante selon l'humeur de sa bouche, elle parle deux langues comme pour dire deux royaumes, chacun d'une berge à l'autre de la Méditerranée. Ma stèle aura trente ans vieillissants ; ma jeunesse je la reprends elle qui faillit se morfondre cent ans encore dans l'usage et la politesse. Voyez mes bras ouverts au destin, accueillants, voyez je suis une auberge pour les Moires.


Je vous offre pour mon dernier moment un baiser de brume qui ne colle pas, ne tient pas, ne se fixe pas et qui, tout comme nos existences, ne fait que passer sans user. Au vingt-huit février, j'en aurai fini d'ici, dans un dernier éclat de rire, de moquer l'incurable vie. Ce n'est pas triste mourir, ce n'est pas triste trouver refuge dans les siens, comment pourrait-ce être triste de devenir une ombre parmi les reflets comme Cocteau, Marais, Genet, comme Chatterton, Villon, Gary, comme tous ceux là, asphyxiés d'avoir brûlé si fort que les vapeurs exhalées de leurs fins exaltées en devenaient toxiques. Mieux vaut être mort qu'égaré. Je m'en apercevais ce matin, lorsque l'on me disait « Tu pourrais mourir, toi, demain ? ». Ma réponse est timide, je préfère le vingt-huit février, d'être en bordure de quelque chose, à la falaise des mois, me va mieux. C'est une mort sans détresse que la mienne. Si j'ignore tout, je sais assez pour agir.

 

J'ai rencontré une fille pâleur lugubre pour mes derniers moments, j'ai vu sa peau blanche de morte, pour m'aventurer déjà dans les sentiers qui mènent aux trottoirs de mars que je ne verrai pas fleurir de giboulées. Je serai déjà bien plus loin que tout ça, à rire en fumant des dédales. Ce qu'il y a de l'autre côté, je n'en dirai rien, je serai clos comme un secret, comme un jardin.

14 février 2011

RER A.

J'ai un peu de scandale, un peu d'infidèle en moi, mes insomnies ont la couleur de garance des grilles de prison. Je m'aperçois, quand je converse avec d'autres que ceux qui partagent mon désordre des choses, combien j'ai dérivé depuis la norme, combien mon insomnie m'a échoué sur la grève d'un désespoir déformant l'aimer et l'amour.
Je parle, et devant les yeux réprobateurs et curieux je crois qu'un peu de moi se sent des hontes, des hontes de n'avouer pas ce qui s'y trame, ce que complotent mes doigts quand ils passent dans la crinière froide d'une amante, ses mèches qui y tombent en cascades de couleurs et de senteurs. Ce qu'il y a de détresse dans l'insomnie profonde comme des cernes, où la voix s'enroue et le cri se perd, où les ampoules de cèdres finissent en ténèbres. Où la nuit et l'inquiétude sont les seules certitudes, les repères, les murs et le toit de l'endroit où je passe à l'heure où les yeux se cachètent de la morve silencieuse du sommeil. Ce qu'il y a de solitude dans la nuit qui m'écroue, de froid sur ma peau murie des ivresses de printemps, ruinée des morsures jalouses.
Je me sers de l'amour comme d'une couverture pour accrocher la chaleur que je ne trouve pas en moi, et je me recouvre le corps de ces prénoms touchants, de ces filles aux regards bleus contre mes peurs d'enfant, la lanterne de leurs yeux pour rassurer l'effroi permanent, qui me suit, et se traîne soudoyant mon ombre. Bien sûr, je ne peux pas le dire, lorsque l'on m'interroge et que l'on croit voir dans mes affections, dans la multiplicité envahissante de mes amantes une pyramide dégoutante, que leurs yeux d'un visage immense, vairons, posent avec le mépris moralisant des puretés vieilles et semblant deux amandes usées. Je disais "E. m'aime, et elle écrit sur mon mur "je t'aime même de n'être que numéro trois" et j'ai fait le silence dans la peau, j'ai muselé la langue, borné la voix, il a émané de moi le silence qui a séché leurs mots, qui a fait une pellicule blanche à leurs lèvres, un peu de l'écume damnée de sécher ainsi le silence s'est craquelé en reproches. Je croyais avoir prononcé à des condamnés la sentence des fusillades de voir leurs mines interdites de cette audace, stupéfait face à mes horreurs de Méduse.
Je suis innocent du crime que leurs yeux me vissent parce que mes nuits sont longues et froides, qu'elles atténuent tout le crime que font mes caresses obstinées. Mon tourment c'est l'hiver de ma chair, si je n'avais jamais eu froid la nuit je serais resté vierge jusqu'à l'amour premier, attentif à la caresse unique et précieuse. Mais je ne pouvais pas leur dire "j'ai froid, la nuit, j'ai peur la nuit et je réclame mille amantes pour faire les gargouilles grouillantes de soleil, pour faire des vigies et des sentinelles à toutes les minutes glacées, immobiles et sans sommeil. Je ne pouvais pas simplement, faire la plainte avec ma bouche et leur confier combien dedans moi c'est précaire mon état mental de ne pas dormir, toutes ces femmes tréteaux me soutiennent, me charpentent, et me tiennent en attendant l'amour unique et rayonnant. Celui qui s'élève en colonnades, dont le souvenir seul suffit à retenir en soi le départ des températures, reproduisant sous la peau la chaleur tropicale qui me manque depuis le premier soir".
Je voyais bien malgré moi la répugnance que je dégageais, de porter mes déshonneurs en couleur sur l'étole de ma langue, et mes caprices en étoile, tandis même que je suis un amoureux disant secrètement des solitudes, des déroutes, des départs, tandis que j'aime la défaite qui vicie l'espoir. Je racontais comme cela, sans le détail de mon tortueux souffrir, les filles accumulées sans gloire, ramenées vers moi avec les gestes pingres, je leur disais ces choses et deux mille ans de chrétienté m'assaillaient, m'insultaient, je m'étais juré pourtant de ne rien dire de mes écarts, de m'adapter à la norme, et prononcer les mêmes outrages que le reste du monde, de me fondre dans le commun, banal, d'un échange poli, et d'une indignation entendue, je me voulais voiler des sursauts pareils aux leurs tous qui grincent de la moindre surprise, qui gémissent du moindre plaisir, j'imaginais la floraison de digues au rebord de mon excès aux parois de ciment dru pour tout garder de ce qui est intolérable à tous les autres et c'était du corail qui retenait mon excès, où tout filtre, et s'effondre, plein des failles par où surgissent et se fécondent mes déviances. Je croyais pouvoir dissimuler tout mon cri, et il s'échappe en vent tortueux, sifflant assez fort pour choquer les camarades. Personne ne doit voir ce que j'abrite et je préfère rire au milieu d'eux, quand même je suis stupéfait de mal. Personne ne doit rien savoir, rien deviner. Entre deux douleurs, je dis à mon être "Joue" et il joue.
Entre le faible et le méprisé il faut choisir le plus glorieux des deux, qui, hélas, est le plus nauséabond. J'ai préféré leurs mépris, eux dont la conversation me berce et me découvre, dont j'aime le contact et la différence, j'ai préféré d'être accusé que plaint. S'il fallait choisir entre le pli de la soumission ou la torture, j'irai peler moi même mes bras et crever mes yeux.
Pourquoi dire et raconter l'horreur d'une nuit malsaine, les viols multipliés aux plafonds, les rosaces tatouées en menace dans les reflets des lampes brisées ? Pourquoi avouer, comme un coupable, les images qu'ils ne peuvent pas voir et dont je ne veux pas les meurtrir ? Pourquoi vouloir présenter, ce visage agonisé de meutes furieuses, toujours déchiré par des crocs de loup ?Je vous tends ma laideur ordinaire, ne détournez pas les yeux, vous y verriez au sol mes plaintes quand à l'heure du coucher, si je n'ai pas de tendresses, mes nerfs de se recroqueviller, de se tendre et de durcir deviennent pareilles à des racines mortes. Je ne pouvais pas leur dire ça, tandis que j'avais fabriqué du silence réprobateur, et autour de nous toute une cathédrale poussait. Je voulais me mettre dans le catafalque, entendre les rivets se défaire.
J'ai toujours peur, dans le Droit, au milieu d'une conversation, de faire une crise, de pâlir plus vite que la nuit à l'aube et sembler à leurs yeux un fou. Souvent au coucher survient dans mon corps cette paralysie entière, et les mots tétanisés comme des muscles brusqués d'effort, tournent et se déplient.
Je ne leur dirai pas cette fragilité qui grince comme le vent dans la fêlure. Que l'on me voit ignoble me va mieux à l'âme que de voir les crevasses des tiques et des poux, dans mon âme. J'ai tu ma laideur, tu ce visage que le mien entre tous haï, qui pourtant mit à genoux les belles figures de filles heureuses, qui mit dans sa bouche la langue, parfait serpent crépusculaire, de Loriane au corps de Vénus. J'ai tu toute la rage qui s'accumule en moi, d'offrir aux autres mon nez, mes joues, mes dents, et mes yeux, j'ai tu tout ceci pour ne pas excuser d'avoir du crisper le corps de belles sur moi. D'haïr mon visage, je n'ai aimé que des filles taillées dans le désir des hommes. Je n'allais pas dire à mes camarades, "je n'ai pour faire oublier ma laideur que l'écrire, pour m'en pardonner moi-même que le séduire de filles si belles qu'autour d'elles le temps, galant, ralentit son cours effréné". Je n'allais pas dire "vous savez, je suis seul, malgré toutes ces encombrantes, je suis seul, parce que la nuit, toujours vient un moment où elles trépassent, où dans nos courses sur le sable du délire, celles-ci trébuchent et mon corps gonfle comme une voile, et trop léger poursuit sa fuite. Dire  "il me faut vite alors changer de corps, mettre un autre drap à mon usure" je ne pouvais leur dire "je n'ai pas la patience d'attendre toutes les minutes obstinées, irrégulières comme des aspérités de montagne, je n'ai pas la patience d'attendre que l'amour, le bel amour, le tendre amour viennent déposer sa douceur en baiser dans ma nuque écrasée", je ne pouvais pas leur dire "j'écris à ces filles belles, si belles, que j'en oublie qu'elles sont bêtes, pour ne pas me rattraper, jamais, me rattraper si je m'écroule. D'une main je cache mon visage de l'autre j'écris, j'écris, boulversé et je ne peux pas attendre que la nuit se lasse de m'habiter, de m'occuper, de me traiter en son domaine où tous les outrages sont possibles. Comprenez, ces filles que j'énonce, qui s'assemblent dans mon corps sont un acte de résistance, de refus, d'insoumission à la nuit blême qui me martyrise, étrange, mes yeux atroces."

J'écrivais plus tôt dans le temps, en remontant ce fil déchiré de l'existence, ce qu'il faut de courage pour aimer. Et je ne l'ai pas, j'aime, bien entendu, et j'aime un être concret, physiquement présent au monde ce qui me terrifie, ce qu'il y a de danger à aimer une figure humaine que l'on ne peut pas mettre dans le rythme d'un hymne,  qu'on ne peut contenir dans les reins étroits d'un poème, dont on ne peut dessiner dans le marc de l'aube le corps de gisante. J'aime, c'est entendu, mais je ne le peux formuler, le mot ne s'ébruite pas, dans ma gorge aphone le voilà atone, éventé, évanoui, et on ne trouve aucune trace de sa syllabe dans moi, elle aurait beau ausculter ma bouche, mes dents qu'elle n'y verrait pas sa trace. Elle à la voix touchante et aux yeux mieux fait qu'un jour de noces. Quand je la regarde l'étreinte de mes nerfs se desserrent. Ce me suffit de la regarder. J'aime, et de ne le pouvoir prononcer, je reprends le refuge de mes petites folies, sans stupeur, sans mortelles attentes, je reprends la nuit Lucie, Camille, H., Anne, tout ce qu'il faut de prénoms pour broder des légendes, de ce pays de souvenirs qu'est la lande de mon buste. Ces filles que je dis aimer, d'être toujours amoureux des fixités de l'univers, de ma lâcheté et de mon hiver. Lorsque je m'éloigne de moi, du "Je" que je répète en mantras, je gèle des frimas de l'abandon. J'aime un être tout entier, charmant, courbaturé aux yeux du sommeil qui m'évite et me craint. J'aime un être charmant qui me plisse les regrets en des musiques funèbres. Toutes ces autres n'existent qu'à la renverse de mes paupières, sous l'ivresse liquide des sens troubles. Lorsque je les vois, qu'elles sont concrètes, physiques, que leurs mains me griffent la douceur, je ne les aime pas.  Elles me réchauffent. Celles-là pour qui je mobilise le mot d'aimer donnent corps à des idées qui prennent appuient sur elles, mais déploient en moi des sensations autonomes, expirent une autre atmosphère que celle mordue de leurs lèvres, jaillies de leurs poumons. Le souffle de ces idées n'est pas leur souffle. Ces amours que je tire d'elles ont des poitrines d'ange et expirent des constellations suffoquées. Ce sont des êtres de fantôme, multipliée de patiences et bouleversés des corps célestes que j'y range. Ce sont des formes sans âge, avec juste assez de vie pour ne pas flétrir. Ce sont des idées, l'essence, probablement l'une de leurs possibilités qui ne s'incarnent pas ici de n'être pas fait des éléments périssables que rassemblent les beautés meurtries. Ces fantômes ont les yeux bleus, et je les vois surplomber le corps que pendant la nuit j'abîme de mes offenses, où roulent mon baiser comme une insulte. Quand je me rhabille, souvent je murmure, "belle illusion de toi cette ombre qui se colore, qui se détache et nous regarde, cet amour comme un mois d'août qui ruisselle en aube humide.".
Mais toi, elle, toi, je t'aime dans ta permanence fragile, ton innocence bosselée de ce que les mains du temps font toujours aux cœurs sensibles. Tes lèvres où ricoche la douleur, je les veux baisers.

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14 février 2011

Madrépores.

Je n'ai pas cette politesse du corps, cet ordre bourgeois qui orchestre, lisse, qui organise soi comme une armée sage. J'ai vu des peignes instructeurs passer dans des crinières enragées et leur faire le crin ras comme une mer retirée. J'ai entendu gémir des souliers, le pas lâche de n'avoir pu dépasser l'aube et le sable.
J'ai mis l'anarchie à mon front pour porter comme un titre la révolte, ma couronne je vous la montre, brune de soirs, hirsute et vulgaire. J'y crois voir dans le tard de mon reflet, dans les tâtons de la lumière sur mon visage toutes les faces pétrifiées des fusillés, des abandonnés, des échoués, tous ceux révoltés meurtris par l'obession et pour qui, hélas, l'injustice fit une dague assez épaisse pour passer entre les mailles de la vertu qui leur gardait le coeur. Le crime est un fleuret.
Sur mon crâne de gisantes défaites s'aventurent. Je n'ai pas le visage bien éduqué, poli, reprisé par des mains savantes de coutures. Mon être a les audaces du hasard, d'un corps tissé par les yeux aveugles, la nuit, sans lumière, des broderies inexpérimentées. Comme l'offense, le libelle, et le cri matériel, tangible, devenu matière. Ce docétisme d'un "logos" aventuré jusque l'intérieur de la chair, mon visage, figure du cri, est une bouche ouverte où se déversent les débris du jour.
L'Université se fit la promesse de me rendre à la "conformité" et ne m'apprit que la retenue, la dissimulation. Mes rages savent murir dans mon visage sans rien laisser voir des fruits amers qui s'élèvent en grappe et le calme feint d'indifférence que j'essuie à ma lèvre, sagement assis, est le cours des rivières attentif au tourment prochain qui le débordera. Un mot, et je me renverse. Toutes les habitudes sont des berges à envahir, et pour revêtir l'écrire il faut assez de place dans le ventre pour l'accueil de la lumière et de l'ombre, il faut assez d'espace dans sa faim pour servir de creuset à toutes ces chaleurs délirantes et sauvages que l'Université, le Droit, et les banalités figent en d'immobiles satisfactions. J'ai toujours cru que le savoir pour lui-même, clos comme une secte de l'enseignement, des marchés financiers, des professions assermentées tuait le regard, abaissait la paupière comme une mécanique de théâtre. Lorsque je voyais, pour la première fois, l'une de mes professeurs je me murmurais à moi-même que son métier d'avocate lui avait éteint les yeux, figé dans une éternité décevante le regard, comme une pâleur recroquevillée, capturée par un caillou d'ambre.
Pas de lumière, pas d'éclat, seulement cette terne habitude pour ausculter la réalité, et les juristes sont des légistes. J'imaginais son ventre étroit, trop étroit pour accueillir le jour, et la nuit, pour tituber sur la suture qui dépêche au crépuscule l'instinct de la lumière et à l'aube les deux pauvretés cosmiques : la Douleur et l'Hécatombe.
Ce qu'il faut de détresses pour aimer, ce qu'il faut de courage pour écrire. Je ne veux pas d'enfants, d'être enceint d'une lumière fécondée par les filaments du soir, qui se faufilent, se mélangent, qui se secouent dans mon ventre et forment la rondeur d'une littérature d'échoués, aux bouches sèches comme des algues de lagune.
Ce qu'il faut de courage pour déceler la sensation dans l'hideur d'un mort, et la jaillir des yeux pétrifiés comme des fossiles, des yeux gris des intellectuels et leur couleur de grenier de n'avoir eu le vivre que dans l'émotion calculée, qui se trouble pour se paraître profonde, qui se mélange pour se croire mouvante. Creuser avec les dents le corps amoureux jusqu'à temps que les yeux saignent leurs eaux lustrantes et les mains pleuvent des caresses comme des sémaphores engloutissant de leur foulée l'un peu de nuit que renversent la peur de mes rimes.
Mais c'est toujours le silence plat, les cartes sans relief et les cavités faites pour les mains molles des spéléologues, je veux vous dire cet endroit dans moi plein de recoins et d'abîmes qui semblent aux radiologues une grotte, où le sommeil s'asphyxie et les yeux s'écarquillent, je veux vous dire cette musique qui se replie comme un vent de chiffon qui chante dans mes entrailles, et le sang que déplore mon coeur jusqu'à la souche de mes muscles, jusqu'aux creux de mes os, dans les falaises virtuelles de mes forces. Je veux vous dire ce qu'il y a de paroles dans la conque d'un intestin qui remue sa bizarrerie dans le mât dissous de la mer, et le mouvement cadencé des madrépores aux boucles calcaires et aux légendes de coquillage, le monde se forme entre les deux colères des amants comme un vase dans les deux mains du potier, et l'amour actionne le mouvement des pédales qui paralyse l'argile. Dans moi il y a le bruit épaissis de peur du pas qui fuit la déroute, et le pigment de la chair qui racle et frissone, je porte dans ma peau l'ombre de toi comme un orphelin recueilli en retrait, comme un souvenir incertain. Je te porte dans moi comme une douleur lointaine  à l'écho muet que je sens la mienne malgré le silence de mes nerfs fêlés et cotonneux. Je te chéris, et je visite des yeux où les pleurs immobiles sont les eaux stagnantes des marais, qui traitent une sale odeur de détritus dans leurs tristesses d'usine, et je veux t'inviter dans le ballet des métamorphoses, dans l'harmonie disjointe d'une caresse pointillée qui reste suspendue dans les synapses phréatiques, dans les articulations rejointes en maladie. Et derrière, derrière comme une procession dans la carriole  du titubement traînent et ahanent cette armée de croisés perdus, ces ligaments êtres humains, que sont la vie, la dérision, le chaos, et toutes ces choses qui ne me suivent que de loin, qui ne peuvent pas se faire au leste pas du révolté qui s'élève et qui s'enlève.
Mon écriture me retranche du monde où mon masque -diplôme calqué sur la face- me fait entrer. Mon écriture est le départ, l'insulte de ces endroits d'immondices où je sais intriguer, et mélanger mes fluides à des autres fluides, et me faire payer les luxueux émois. Mon écriture c'est ma solitude, sous le masque où la félicité chante ses barioles de couleur, ses humeurs d'orchestre, ce climat personnel comme sous la tunique touareg. Je m'isole du monde qui n'en sait rien, me parle, et se divise dans moi, il se répand avec ses claquements de dents, et ses espoirs de fortune, toujours à se rêver des destins sans mériter de futur. Je me tiens bien chaud, avec moi même et cette chose de toi que je te gratte, que je te prends, imperceptiblement du geste parfait du voleur gardé par la cape des nuits, que je te prends, que je te garde comme un emprunt, ou un coffre. J'ai sacrifié la gloire, l'argent et la carrière pour la liberté, toujours affamée de ces sangs qu'on trouve glacés dans les veines du siècle et du présent. J'ai parcouru des liesses et chanté l'ahellil algérien, visité les tombes de sable dont le vent portait en murmurant leur souvenir d'avoir été des marbres funèbres. Le vent dépose sur le sol le râle des djinns et des génies qui au désert suffoquaient et dont les cendres ont fait les étendues de sable et les mirages, survivances de leurs maléfices comme la brûlure n'abandonne pas le cadavre des méduses pour vivre son existence propre de mal et de pourriture. Toute illusion porte dans son sein le remord d'un enchantement oublié dans le temps, qui s'y faufile comme une âme perdue, comme une mânes.
Je pense à toi toutes les nuits à l'heure du sommeil, et j'allume dans ma tête le souvenir de tes yeux pour me garder de tous les sortilèges et chauffer d'un peu de lumière le corps blanc du désespoir, où la lumière dérobée s'assimile, par ces bouches que sont les pores, à la façon d'un aliment d'ordinaire. L'étais qui soutient mon pas, je te jure que depuis janvier c'est te retrouver, quand j'abandonne le costume de papier qui me fait saigner les dents.
Ecrire et aimer sont les deux plis de mon existence. J'ai jeté en arrière moi bien des filles-souvenirs en verre pour le seul plaisir d'entendre leurs voix se fêler en pleurs, j'ai jeté ces quelques mots à la figure de la nuit, j'ai vidé un verre de nausées à son visage sec.

13 février 2011

L'audace d'Actéon

Les éméutiers en moi ont tendu des cordons de couleur et des mains de cirque, graduellement se sont avancés des mystiques aux os creux qui n'avaient pas deux lèvres mais six maléfices en place d'appetit. Leurs coeurs scélérats vibraient cent fois l'heure un air de malheur qu'on trouve au bas des potences. Le murmure bas ce miracle que je dis des sons qui assiègent mes sens, et sont plein des âtres des symboles en flammes. Je suis le corps qui fleurit du décombre, et mon tronc maigre la tige odorante de ce nouveau tertre. Je disais plus tôt dans la vie à la petite Pauline que si ses parfums étaient un rappel de l'enfer, que si ses mains semblaient les fleurs des berges du Styx, elle ne devrait jamais, jamais, JAMAIS oublier que j'étais la terre féconde des crépuscules qui réclame la paternité du diable et d' enfanter les malheurs et les envoûtements. Je suis ce bout de ciel décroché, banni, débaptisé qui gémit en enfer et dont les plaintes et les supplices sont les bestiaux végétaux ; dont les rouées, maltraitées des mille coups de l'angélus, les empoisonneuses flottant dans leurs lambeaux d'âmes sont les nouvelles jardinières. Elles qui taillent dans la serre de ce corps que le mien les formes des désemparés pour m'offrir des membres. Mes yeux sont deux détresses ; une goutte de nuit pour l'iris une miette de peur faisant la cornée. Visage besogneux que celui des amours, et je parle du mien d'être aimant, pour le tien d'être aimé. Je siffle dans la rue cette chanson, et ceux qui me voient tordus par l'effort que requiert l'acte d'aimer, ceux qui me voient blottis comme un crépuscule dans la nappe d'argent, se souviennent mon corps supplicié la nuit à Grenoble. il y a ceux-là, deux touffes anonymes qui ont des prénoms dont l'on se moque M&M, me voyaient dévaler la montagne, ils me voyaient tétanisé par la poésie, la crampe dans le vivre, immobile dans le saut des rimants. Ils me voyaient m'écraser comme le silence sous la nef, et Margot me prenait dans ses bras silencieux, qui frottaient contre le duvet comme des allumettes prêtes à la chaleur, je sentais son ventre, et dessus qui s'y glissaient, qui s'y roulaient sucrées ses lèvres d'enfant et de mensonges.
J'écris toujours avec dans l'Orient de l'oeil, sous la porte sublime du cil, ton visage et tes yeux bleus, toi aux mains de la méfiance dont j'attends avec angoisse les politesses. Je ne veux d'amour qu'une lectrice, celle qui me devine, celle qui me subvertit tandis que je pars me défaire dans les boucles belles et neuves des mots.
J'écris, avec toi, et ta chevelure plus étonnante même que la mienne, qui me semble les nerfs d'un piano où la musique s'invite, le matin de Grieg qui y tonne, et au coeur de ma déchirure je vois tes mains dans ces algues de soleil et y passer, y défaire, y remonter le jour comme un jouet et le casser avec des gestes capricieux.
Toi, attends quelques semaines mon murmure. Promis, en mars, je te le confierai, il sera très tard, et je réciterai comme ça
"Bierstube magie allemande" pour tes "lèvres délicieuses". Je sais une musique slave, que je me mettrai aux yeux pour les faire profonds comme la nuit qui m'entraîne, me prolonge, m'invente et me morcelle C'est la nuit qui me tendait les mains, qui m'ouvrait le corps, la nuit toujours qui me fait danser, danser, dans les mélodies que poussent en gémissant les accouchées. Oui, je sais tous les pays, je sais toutes les chaos, et j'ignore encore tes yeux, et ta bouche de leurs crimes de n'être que douceurs et tendresses. J'ai vécu mille ans dans la douleur et je sais mille ans de frissons dans tes pupilles eclatantes à l'heure du coucher.
Comment dit on chez les gens à l'intelligence bienfaisante ? "Je ne suis pas libre" n'est ce pas ce que l'on dit pour avouer, honteux, que l'on doit pointer à des bras qui vérifient dans le cou s'il n'est pas une odeur d'autre sexe qui s'y est tapie, qui s'y croupit ? Je sais des évasions, des plans et des risques et de la passion creuser des conduits dans la morale, étroits comme les catacombes antiques où se déversaient en cascades les psaumes et où les voix religieuses ricochaient au mur. Qu'ils sont beaux tes yeux que les miens se déssechent de demeurer ouverts et j'effondre des réalités, je traverse des strates géologiques, je dévale de gouffres en gouffres, jusqu'à eux. ce sont, disons tes orbites imaginaires, des astres bleus, toute galaxie est deux ciels, deux planètes au noyau visible ô ma femme fiction, la gravite qui tient ensemble ce système de planètes floues c'est le droit, le soleil qui les chauffe, y fait des nuits et des jours, ce sera le poème . Je sais ton prénom. Le sais-tu toi ? C'est beau,t'aimer,je t'assure,et c'est neuf pour moi, j'oubliais comme il est acide le souffle imposé, permanent comme un vent, tu es une saison suggérée, tu t'enfonces dans moi, et tu es belle d'innocence, tu n'en sais rien de ton crime, et le samedi et le reste du temps je me rends à mes tolérances aux prénoms de fleurs, de fugues ou d'ecarts. Je me rends à ces filles aux visages faits pour l'oubli, aux ventres accueillants comme des seins maternels ma bouche noyée de cris.
Je t'aime, belle musique. Je te chante.

12 février 2011

Veiller à l'intégrité des marchés, n'est ce pas être le vigile de la Bourse ?

Tout n'est-ce pas, est définitivement de l'étrange souplesse du prétexte, mes refus, mes tortures, mes incapacités. Lorsque sur moi je peins une misère et que j'ajoute à ma peau déjà délabrée, usée de rides, parcourue de rimes fatiguées, creusées par la nuit, gercé par la lune, lorsque je peins sur mon dedans les blessures colorées de la souffrance, qui comme des rites tribaux m'enfoncent dans des délires d'insoumis pays, dans des dimensions écrasées du poids des cris, des rages et des frissions. Tout n'est-ce pas, qui vit en moi, qui me parcourt, qui me sature la veine, qui y prolonge le sang et y réinvente le souffle, qui y fait grelotter les dents et tendre les lèvres est de cette encre noire insoluble dans le paysage, d'un grain noir impossible à délayer, à désassembler, qui reste, l'encre, comme de la poudre à canon, que le sang allume et frémit. Tout ce que je suis, n'est ce pas que ce cri que le Droit, cette austérité, voile, et dissimule aux autres, comme à jouer la farce quotidienne. Que de représentations pour quel morne succès que vivre et paraître.
De ces prétextes je pense à elle, ma belle infortune, ce petit glapissement bienheureux que je fredonne lorsque je la rêve, lorsque son parfum je le perçois dans la nudité d'une autre au prénom infernal, à l'initial du Dieu tapi dans les panthéons. Et Bérénice et sa dignité idiote qui vendredi me regardait écrire tandis que sifflait dans sa cave toutes les bouteilles de Bordeaux assoiffées de mes lèvres, Bérénice comme l'imitation sensible de mon amour inavoué, comme un crime. Elle, et son prénom déïté, Je lui écrirai, plus tard, dans les formes épaisses du sommeil, je puiserai des cratères peureux de la nuit les quelques mots du silence et de l'aimer et j'écrirai comme ça :
"je t'aime, mais s'il te plait n'en parlons jamais, je t'aime, mais c'est d'une autre réalité que je prononce dans ce langage, c'est d'être un péri que je cherche, tu es comme la mer sauvage aux crins doux qui abrite les bateaux, qui les défait et les remonte dans le soir menteur. Tu es comme la mer et je suis le matin, failli, ivre d'aube sur le pont qui joue sa sonate aux dents écarlates, à la mer qui la joue pour tes yeux bleus d'écume, percé d'Iris, et l'âme de vase de la terre, gluante comme le marécage de mes désirs. Tu es comme la mer qui grimpe jusque dans le ciel ses vagues et dont la voix mugissante borne le destin. Si je n'en dis rien, si je me tiens de l'autre côté des séductions, des bavardages, c'est par dégoût pour le vulgaire et le commun, tout ce qui est beau, noble flotte et se devine Je ne veux pas que sous mes mots craquent des intentions hideuses, et s'ils semblaient un fard mis à quelques obscurs salissures j'irai mettre le feu à tous les romans d'amour, à toutes les odes, et tous les sonnets. J'irais écraser du talon les poètes survivants...Le silence, cette voix sincère. Ce que je te montre, ce que je te donne, ce n'est pas mon corps amaigri de fatigues, ce n'est pas mon visage bouleversé d'eaux croupies, mais cette chose d'éther qui est de moi, cet autre corps cueilli dans la musique des permanences, ce que je te tends, humide et palpitant, c'est toute ma vie, tous mes pleurs, et ce corps d'éther arpentant les géographies incertaines, aux géométries anguleuses, où les idées planent et coupent, où il fait froid, où le rire est une saison, et le pleur l'éclat du jour. Ce que je te tends, c'est autre chose que ma réalité, c'est mon moi de fantasme, de guerres, et de couleurs. Ce que j'arrache, quand je te montre une page grevée de syllabes c'est ma voix, ma voix désagregée, altérée, ma voix qui ne récite que toi. Mon corps, ma matière, celle qui couche, qui truque et qui ment, je la délaisse, c'est une déroute, une retraite, un abandon, ce corps,cette chair, cette matière c'est ma haine et je ne te la tends pas, je la garde dans le noir,le silence et la mort. Je l'offre à d'autres que je n'aime pas assez, je m'y éduque les muscles fragiles et les nerfs obtus. Ce que je te montre quand je te dis je t'aime, c'est ce qui se tient profond, chaud, comme l'or arraché de l'intestin de la mine, de ce long couloir plein de creux visqueux. C'est tout au fond de moi que je ne t'invite pas, mais de l'eau souterraine qui rugit dans les cavités invisitées.

Tu m'enveloppes, tu m'enveloppes comme une idée, tu m'enveloppes comme une pensée, et je te sens dans moi remuer à la manière d'une ombre. Ce qui s'extrait de moi, ce que le jour lance en dehors de ma peau sur les parvis, sur les pavés et les trottoirs, ce crépuscule qu'il arrache et déracine de moi et que l'on nomme mon ombre, c'est toi qui t'y tient, toi, dans cette larme muette qui jaillit de tous mes membres sous la physique susceptible de la lumière. Toi, que je sens dans moi, me parcourir et me déchirer. Je ne peux pas être, je ne sais pas être, surtout. Mais je t'aime, et dedans, dans mes nuits qui je t'assure ont la même couleur froide que tes yeux beaux, je sens crépiter une sorte de feu, une sorte d'âme enviée, qui jette des lueurs semblables à tes regards qui se répandent sur la ville. Je t'aime, comme un secret, je t'aime dans l'entièreté de ta voix timide, dont on sent chaque mot qui trébuche et se redresse, toute l'assurance malaisée qui voudrait hurler et dont je sens les belles fêlures, comme les parois d'une mine d'or. Dans ta voix il y a des mains, et le baiser de ta bouche a appris le langage des muets.
Tandis que moi je ne parle plus, que mes mots se rouillent, que le rythme effrénée du sang qui m'écorche les veines, qui les ramasse, qui les étend, me vole le chant, affaisse ma voix qui tourbillonne, dont on croirait presque qu'elle hésite, ma voix, dont on s'interroge sur la rareté de son éclat, sur ses brusques et nouvelles timidtés.
Je t'aime toi, mon ombre, et j'aime le danger qui infiltre partout ses membres, j'aime sentir la main de la peur, l'étreinte sévère d'être découvert, et raillé. J'aime toutes ces choses aux yeux gris de fureur qui peuvent défaire, humilier, ravager. Qui sont le vivre et l'écrire, ces deux conditions à l'existence et l'essence, le rassemblement funeste, douloureux du moi.
J'aime toi, de sentir que tu me colonises sans savoir, qu'en moi tu te répands, jusque dans les courtes trèves que m'accordent la nuit, qui ailleurs sont le sommeil, qui ne me sont à peine qu'un répit de trois heures. Je ne suis pas sot assez pour me laisser tout à fait faire par les émotions, et si je suis étourdi, il est des choses que je sais faire. Mes mains sont des arcs et les doigts quelques flèches salies de liqueur. Je ne suis pas ignorant.
Sais-tu, la nuit, c'est ton corps contre le mien, c'est ton souffle contre mes manques, que je voudrais serrer plutôt que les corps amovibles comme des portes de mes détresses. De ces filles d'insignifiance que j'aime des pâles amours, indistincts et ternes, de ces filles que je caresse à peine du même geste que par la fenêtre la nuit qui rentr sur leurs visages et emplit leur corps de ce liquide opaque qu'est son sang, sucré comme une cerise. C'est ta voix dont je voudrais qu'elle berce l'insomnie qui m'habite, qui m'engage comme un mercenaire du poème. La nuit, j'effraie, j'hurle, je moleste la langue, elle claque, multiplie, grouille dans moi, s'arrache tout un nid de serpents qui poussent, naissent et meurent des mêmes contorsions de l'accouchement, des courbures et des pliures et dans moi laissent les odeurs pourrissantes du venin corrompant la chair. Mais je t'aime, quoi que j'y fasse, tu m'enveloppes du délice amer d'aimer. Ce calme malade, fragile au milieu de mes éclats, de mes fugues sordides. J'ai cette chaleur dedans mes yeux qui me rassure  et brise un peu de ce silence que je m'impose comme un exercice. Désormais plus que la mort qui me garde, ta chaleur, et ton silence me veillent."

Je vais danser sous les ormes et lire un peu avec ce visage que le mien, taillé dans le crime, fabriqué pour l'effroi. Je t'aimerai demain encore, sans rien dire, sans rien laisser voir. Il y a vingt ans que je sais jouer la farce du monde.

11 février 2011

Bien sûr, que Mirjam me rend vivant, elle aurait

Bien sûr, que Mirjam me rend vivant, elle aurait pu être reine, se décida à être putain, de cette condition, résidu des noblesses du jadis. Putain en tout ce qu' éprouve d’accomplissement suprême dans la déchéance de tapiner, un trône dans la misère, un triomphe dans le désespoir, voilà les hermines en poils bêtes, voilà les couronnes d'acier corrodé, et les châteaux du néant ! Mirjam tapine dans le noir, Mirjam tapine dans le soir, parce que la nuit, dit-elle, « comme ton ombre m’abrite» à la manière d’un porche. C’est dangereux parfois, ça mutile un cri, ça lui pose une main velue de soir, la nuit, quand elle tombe sur des furieux obstinés. Il y a ce type là à l'expression parfaite du corps, aux contorsions étrangères qui avec ses dents lui déchirait les membres et cet autre qui ruait sur son corps comme à travers la peur, qui y faufilait des luttes et des révolutions, dans son pas, dit-elle, vrombissait des usines en grève et la beauté du voyou. Ce danger dit-elle me tient mieux chaud qu’un doigt gercé de réprobation morale. Un coup de poing me va mieux au nez qu'un voile et puis la nuit dissimule les bleus, les pleurs, ce aggrave le visage d'une innocence, ou d'une idée parfois, du hasard des rayons effilés de l'ombre. La nuit ne révèle rien et suggère tout, ses suaires, son sépulcre sont des toiles à peindre de fantasmes, à mettre la couleur que l'on veut aux yeux, d'allonger les cils, de raboter le nez. Elle aime la nuit, dit-elle, parce qu'elle est douloureuse comme la poésie, inquiétante comme une rime hésitante et tremblotant au bout d'un vers. Elle me dit ça, d'aimer la nuit, de se sentir l'ultime syllabe de l'élégie, dans la nuit, au bord du vide, tout près silence, tandis qu'elle jette à la rue des regards mendiants. Plutôt que faire pitié pour récolter son aumône, elle fait envie.  Je lui ai dit que j’écrivais dans le noir « parce que je sais où sont les mots je n’ai pas besoin de les braconner à l’audace d’une bougie, d’une lampe de poche, de quelques flammèches insoucieuses de leurs fragilités, de toutes ces lueurs qui viennent les brûler comme du papier photo en plein jour» elle répond en rigolant qu’elle baise dans le noir, parce qu’elle sait où est le vice. Le reste c’est bien inutile, de se voir c’est de la déception, on est toujours déçu de ce que la lumière révèle, de ce qu’elle pille à l’imagination, de ce visage réinventé sous les doigts qui à l'aube se dessine selon la norme, le canon, le jour qui mange la peau, renfonce les joues, et modèle le fantasme en la triste usure. Le jour broie tout, se répand d'uniforme, la lumière rencontre des géométries qu'elle précise, qu'elle indique, le visage plein du scientifique, tout ce qui est obstiné, incontestable en un mot réel et insuffisant est borné au jour henissant.  Elle me dit que, parfois, elle se permet de brûler une chandelle pour les poètes « moi je ne sais pas où sont les mots J’ai besoin de les voir s'incruster le visage, s'inscrire sur la bougie, se poser sur les pommettes, s'instruire de silence.».  Pour mon pleur sauvage, Une chandelle a frémi. Mes yeux ne battent plus. Ils se sont habitués à la paupière violette de l’insomnie, le monde je le vois à travers un prisme de sang mauve, deux cerceaux de flammes sans fauve. Je vois le monde à travers un cirque chargé de nuits, de rires et de tours. Je vois le monde comme un clown magicien qui tourne vite le sable de la vie pour en faire des diamants sales mais précieux à fiancer aux solitudes. Je le raconte à Mirjam qui s’esclaffe. Elle aime le mot « cirque » elle me dit que ça lui fait penser à des billes qui roulent en désordre multicolore sur la route les forains, que c’est très drôle de voir leurs longues processions de guirlandes ambulantes traverser les villes et partout tacher le paysage. Ce sont tous des clowns, dit-elle, ils sont tous maquillés pour cacher l’horreur de la vie. En coulisses ils se frottent avec des gants d’escrocs pour faire sauter de leurs visages tous les désespoirs qui font partie des hommes. Il faut plaire, et donc paraître, sous la peau fétide, sur la structure creusée de mitraille.  « Je fais le même métier qu’eux, en plus libre, en plus violent ».  Je ne veux pas savoir ce qui l’a faite se mettre nue pour des hommes. Ce n’était pas le désir pas plus que le vice, l’orgueil, peut-être la faim, la faim qui asservit tout, qui brise les hommes mieux que le temps. Peut-être l’époque, même. Encore insatisfaite de n’avoir pu devenir quelqu’un elle s’est résolue à être quelque chose, une reine des objets, un astre immobile au milieu des boules de plastique et des crachats cérémonieux, une fixité dans l’Univers des grouillants, des agités, des corps tendus, de toutes ces choses qui rendent vieux et bêtes. Elle était prostituée comme aristocrate, régnait sur un tertre de puanteur, décrétait ici, réglementait là, la loi dans toute sa forme, dans ce tribunal de liberté, où le jugement sonne sur le pupitre du corps dans le bruit de dix pièces de souvenir qui tonnent. "Condamné, condamné Je te rends à la liberté, je te dis d'avoir froid, d'avoir faim et d'aimer. Je te dis de parcourir à la vitesse des astres la terre, l'herbe, de grelotter contre le corps des déités malades, de vivre sous les ormes rassurants des montagnes, je te dis de te réfugier dans les mots, d'affronter le silence, je te condamne à ne jamais te rendre, à ne jamais céder, jamais abandonner, je te condamne à la dignité éternelle, à la royauté sans abdication ni tyrannie. Je te condamne à vivre sans chaînes, sans entraves, sans retenue, je te condamne à rire et pleurer, à sentir et à vivre." Et tous les jugés, horrifiés, sortent de son corps, livides, courbés. Douloureuse liberté, lourde du poids de l'âme délaissée.  Je lui admets que je ne suis venu ici que pour deux choses et avant que je ne les énonce, tout son être se fait murmure « Les femmes et l'argent ».  Je n'ai pas pu lui répondre tout de suite « Attila Joszef et le hongrois ». Je n’étais venu ici jamais que pour la poésie, la poésie aux méandres de vers et de détresse, la poésie et ses chiens d’enfer aux têtes multiples couronnées de cheveux rois, aux mâchoires de piège. Je ne suis venu ici que pour chanter d’un lange de râles et d’agonisants, pour appréhender la liberté par le cœur, pour la savoir dans un cri souverain de fête qui, ému, dirait aux chaines de faner et aux fleurs de se répartir, de se répandre incrustés de mots, d’espoirs et de volonté, de s’exhaler de la terre morte, de s’exiler de ce bagne salaud qui rassemblait ma jeunesse, élevait de sa ruine maussade la soumission, la servilité et la hiérarchie. Je suis venu ici pour laisser Paris et mes amours desséchés de ma paresse et de ma honte d'être pauvre.  Etonnant de voir le pauvre vivre comme une faute sa seule vertu. Sa seule innocence. 
11 février 2011

Cheval blanc, crinière blonde, iris bleu

Bien sûr, que Mirjam me rend vivant, elle aurait pu être reine, se décida à être putain, de cette condition, résidu des noblesses du jadis. Putain en tout ce qu' éprouve d’accomplissement suprême la déchéance de tapiner, un trône dans la misère, un triomphe dans le désespoir, voilà les hermines en poils bêtes, voilà les couronnes d'acier corrodé, et les châteaux du néant ! Mirjam tapine dans le noir, Mirjam tapine dans le soir, parce que la nuit, dit-elle, « comme ton ombre m’abrite» à la manière d’un porche. C’est dangereux parfois, ça mutile un cri, ça lui pose une main velue de soir, la nuit, quand elle tombe sur des furieux obstinés. Il y a ce type là à l'expression parfaite du corps, aux contorsions étrangères qui avec ses dents lui déchirait les membres et cet autre qui ruait sur son corps comme à travers la peur, qui y faufilait des luttes et des révolutions, dans son pas, dit-elle, vrombissait des usines en grève et la beauté du voyou. Ce danger dit-elle me tient mieux chaud qu’un doigt gercé de réprobation morale. Un coup de poing me va mieux au nez qu'un voile et puis la nuit dissimule les bleus, les pleurs, ce aggrave le visage d'une innocence, ou d'une idée parfois, du hasard des rayons effilés de l'ombre. La nuit ne révèle rien et suggère tout, ses suaires, son sépulcre sont des toiles à peindre de fantasmes, à mettre la couleur que l'on veut aux yeux, d'allonger les cils, de raboter le nez. Elle aime la nuit, dit-elle, parce qu'elle est douloureuse comme la poésie, inquiétante comme une rime hésitante et tremblotant au bout d'un vers. Elle me dit ça, d'aimer la nuit, de se sentir l'ultime syllabe de l'élégie, dans la nuit, au bord du vide, tout près silence, tandis qu'elle jette à la rue des regards mendiants. Plutôt que faire pitié pour récolter son aumône, elle fait envie.
Je lui ai dit que j’écrivais dans le noir « parce que je sais où sont les mots je n’ai pas besoin de les braconner à l’audace d’une bougie, d’une lampe de poche, de quelques flammèches insoucieuses de leurs fragilités, de toutes ces lueurs qui viennent les brûler comme du papier photo en plein jour» elle répond en rigolant qu’elle baise dans le noir, parce qu’elle sait où est le vice. Le reste c’est bien inutile, de se voir c’est de la déception, on est toujours déçu de ce que la lumière révèle, de ce qu’elle pille à l’imagination, de ce visage réinventé sous les doigts qui à l'aube se dessine selon la norme, le canon, le jour qui mange la peau, renfonce les joues, et modèle le fantasme en la triste usure. Le jour broie tout, se répand d'uniforme, la lumière rencontre des géométries qu'elle précise, qu'elle indique, le visage plein du scientifique, tout ce qui est obstiné, incontestable en un mot réel et insuffisant est borné au jour henissant. Elle me dit que, parfois, elle se permet de brûler une chandelle pour les poètes « moi je ne sais pas où sont les mots J’ai besoin de les voir s'incruster le visage, s'inscrire sur la bougie, se poser sur les pommettes, s'instruire de silence.».

Pour mon pleur sauvage,
Une chandelle a frémi.

Mes yeux ne battent plus. Ils se sont habitués à la paupière violette de l’insomnie, le monde je le vois à travers un prisme de sang mauve, deux cerceaux de flammes sans fauve. Je vois le monde à travers un cirque chargé de nuits, de rires et de tours. Je vois le monde comme un clown magicien qui tourne vite le sable de la vie pour en faire des diamants sales mais précieux à fiancer aux solitudes. Je le raconte à Mirjam qui s’esclaffe. Elle aime le mot « cirque » elle me dit que ça lui fait penser à des billes qui roulent en désordre multicolore sur la route les forains, que c’est très drôle de voir leurs longues processions de guirlandes ambulantes traverser les villes et partout tacher le paysage. Ce sont tous des clowns, dit-elle, ils sont tous maquillés pour cacher l’horreur de la vie. En coulisses ils se frottent avec des gants d’escrocs pour faire sauter de leurs visages tous les désespoirs qui font partie des hommes. Il faut plaire, et donc paraître, sous la peau fétide, sur la structure creusée de mitraille.
« Je fais le même métier qu’eux, en plus libre, en plus violent ».
Je ne veux pas savoir ce qui l’a faite se mettre nue pour des hommes. Ce n’était pas le désir pas plus que le vice, l’orgueil, peut-être la faim, la faim qui asservit tout, qui brise les hommes mieux que le temps. Peut-être l’époque, même. Encore insatisfaite de n’avoir pu devenir quelqu’un elle s’est résolue à être quelque chose, une reine des objets, un astre immobile au milieu des boules de plastique et des crachats cérémonieux, une fixité dans l’Univers des grouillants, des agités, des corps tendus, de toutes ces choses qui rendent vieux et bêtes. Elle était prostituée comme aristocrate, régnait sur un tertre de puanteur, décrétait ici, réglementait là, la loi dans toute sa forme, dans ce tribunal de liberté, où le jugement sonne sur le pupitre du corps dans le bruit de dix pièces de souvenir qui tonnent. "Condamné, condamné Je te rends à la liberté, je te dis d'avoir froid, d'avoir faim et d'aimer. Je te dis de parcourir à la vitesse des astres la terre, l'herbe, de grelotter contre le corps des déités malades, de vivre sous les ormes rassurants des montagnes, je te dis de te réfugier dans les mots, d'affronter le silence, je te condamne à ne jamais te rendre, à ne jamais céder, jamais abandonner, je te condamne à la dignité éternelle, à la royauté sans abdication ni tyrannie. Je te condamne à vivre sans chaînes, sans entraves, sans retenue, je te condamne à rire et pleurer, à sentir et à vivre." Et tous les jugés, horrifiés, sortent de son corps, livides, courbés. Douloureuse liberté, lourde du poids de l'âme délaissée.

Je lui admets que je ne suis venu ici que pour deux choses et avant que je ne les énonce, tout son être se fait murmure « Les femmes et l'argent ».
Je n'ai pas pu lui répondre tout de suite « Attila Joszef et le hongrois ». Je n’étais venu ici jamais que pour la poésie, la poésie aux méandres de vers et de détresse, la poésie et ses chiens d’enfer aux têtes multiples couronnées de cheveux rois, aux mâchoires de piège. Je ne suis venu ici que pour chanter d’un lange de râles et d’agonisants, pour appréhender la liberté par le cœur, pour la savoir dans un cri souverain de fête qui, ému, dirait aux chaines de faner et aux fleurs de se répartir, de se répandre incrustés de mots, d’espoirs et de volonté, de s’exhaler de la terre morte, de s’exiler de ce bagne salaud qui rassemblait ma jeunesse, élevait de sa ruine maussade la soumission, la servilité et la hiérarchie. Je suis venu ici pour laisser Paris et mes amours desséchés de ma paresse et de ma honte d'être pauvre. Etonnant de voir le pauvre vivre comme une faute sa seule vertu. Sa seule innocence.

11 février 2011

Bien sûr, que Mirjam me rend vivant, elle aurait

Bien sûr, que Mirjam me rend vivant, elle aurait pu être reine, se décida à être putain, de cette condition, résidu des noblesses du jadis. Putain en tout ce qu' éprouve d’accomplissement suprême dans la déchéance de tapiner, un trône dans la misère, un triomphe dans le désespoir, voilà les hermines en poils bêtes, voilà les couronnes d'acier corrodé, et les châteaux du néant ! Mirjam tapine dans le noir, Mirjam tapine dans le soir, parce que la nuit, dit-elle, « comme ton ombre m’abrite» à la manière d’un porche. C’est dangereux parfois, ça mutile un cri, ça lui pose une main velue de soir, la nuit, quand elle tombe sur des furieux obstinés. Il y a ce type là à l'expression parfaite du corps, aux contorsions étrangères qui avec ses dents lui déchirait les membres et cet autre qui ruait sur son corps comme à travers la peur, qui y faufilait des luttes et des révolutions, dans son pas, dit-elle, vrombissait des usines en grève et la beauté du voyou. Ce danger dit-elle me tient mieux chaud qu’un doigt gercé de réprobation morale. Un coup de poing me va mieux au nez qu'un voile et puis la nuit dissimule les bleus, les pleurs, ce aggrave le visage d'une innocence, ou d'une idée parfois, du hasard des rayons effilés de l'ombre. La nuit ne révèle rien et suggère tout, ses suaires, son sépulcre sont des toiles à peindre de fantasmes, à mettre la couleur que l'on veut aux yeux, d'allonger les cils, de raboter le nez. Elle aime la nuit, dit-elle, parce qu'elle est douloureuse comme la poésie, inquiétante comme une rime hésitante et tremblotant au bout d'un vers. Elle me dit ça, d'aimer la nuit, de se sentir l'ultime syllabe de l'élégie, dans la nuit, au bord du vide, tout près silence, tandis qu'elle jette à la rue des regards mendiants. Plutôt que faire pitié pour récolter son aumône, elle fait envie.  Je lui ai dit que j’écrivais dans le noir « parce que je sais où sont les mots je n’ai pas besoin de les braconner à l’audace d’une bougie, d’une lampe de poche, de quelques flammèches insoucieuses de leurs fragilités, de toutes ces lueurs qui viennent les brûler comme du papier photo en plein jour» elle répond en rigolant qu’elle baise dans le noir, parce qu’elle sait où est le vice. Le reste c’est bien inutile, de se voir c’est de la déception, on est toujours déçu de ce que la lumière révèle, de ce qu’elle pille à l’imagination, de ce visage réinventé sous les doigts qui à l'aube se dessine selon la norme, le canon, le jour qui mange la peau, renfonce les joues, et modèle le fantasme en la triste usure. Le jour broie tout, se répand d'uniforme, la lumière rencontre des géométries qu'elle précise, qu'elle indique, le visage plein du scientifique, tout ce qui est obstiné, incontestable en un mot réel et insuffisant est borné au jour henissant.  Elle me dit que, parfois, elle se permet de brûler une chandelle pour les poètes « moi je ne sais pas où sont les mots J’ai besoin de les voir s'incruster le visage, s'inscrire sur la bougie, se poser sur les pommettes, s'instruire de silence.».  Pour mon pleur sauvage, Une chandelle a frémi. Mes yeux ne battent plus. Ils se sont habitués à la paupière violette de l’insomnie, le monde je le vois à travers un prisme de sang mauve, deux cerceaux de flammes sans fauve. Je vois le monde à travers un cirque chargé de nuits, de rires et de tours. Je vois le monde comme un clown magicien qui tourne vite le sable de la vie pour en faire des diamants sales mais précieux à fiancer aux solitudes. Je le raconte à Mirjam qui s’esclaffe. Elle aime le mot « cirque » elle me dit que ça lui fait penser à des billes qui roulent en désordre multicolore sur la route les forains, que c’est très drôle de voir leurs longues processions de guirlandes ambulantes traverser les villes et partout tacher le paysage. Ce sont tous des clowns, dit-elle, ils sont tous maquillés pour cacher l’horreur de la vie. En coulisses ils se frottent avec des gants d’escrocs pour faire sauter de leurs visages tous les désespoirs qui font partie des hommes. Il faut plaire, et donc paraître, sous la peau fétide, sur la structure creusée de mitraille.  « Je fais le même métier qu’eux, en plus libre, en plus violent ».  Je ne veux pas savoir ce qui l’a faite se mettre nue pour des hommes. Ce n’était pas le désir pas plus que le vice, l’orgueil, peut-être la faim, la faim qui asservit tout, qui brise les hommes mieux que le temps. Peut-être l’époque, même. Encore insatisfaite de n’avoir pu devenir quelqu’un elle s’est résolue à être quelque chose, une reine des objets, un astre immobile au milieu des boules de plastique et des crachats cérémonieux, une fixité dans l’Univers des grouillants, des agités, des corps tendus, de toutes ces choses qui rendent vieux et bêtes. Elle était prostituée comme aristocrate, régnait sur un tertre de puanteur, décrétait ici, réglementait là, la loi dans toute sa forme, dans ce tribunal de liberté, où le jugement sonne sur le pupitre du corps dans le bruit de dix pièces de souvenir qui tonnent. "Condamné, condamné Je te rends à la liberté, je te dis d'avoir froid, d'avoir faim et d'aimer. Je te dis de parcourir à la vitesse des astres la terre, l'herbe, de grelotter contre le corps des déités malades, de vivre sous les ormes rassurants des montagnes, je te dis de te réfugier dans les mots, d'affronter le silence, je te condamne à ne jamais te rendre, à ne jamais céder, jamais abandonner, je te condamne à la dignité éternelle, à la royauté sans abdication ni tyrannie. Je te condamne à vivre sans chaînes, sans entraves, sans retenue, je te condamne à rire et pleurer, à sentir et à vivre." Et tous les jugés, horrifiés, sortent de son corps, livides, courbés. Douloureuse liberté, lourde du poids de l'âme délaissée.  Je lui admets que je ne suis venu ici que pour deux choses et avant que je ne les énonce, tout son être se fait murmure « Les femmes et l'argent ».  Je n'ai pas pu lui répondre tout de suite « Attila Joszef et le hongrois ». Je n’étais venu ici jamais que pour la poésie, la poésie aux méandres de vers et de détresse, la poésie et ses chiens d’enfer aux têtes multiples couronnées de cheveux rois, aux mâchoires de piège. Je ne suis venu ici que pour chanter d’un lange de râles et d’agonisants, pour appréhender la liberté par le cœur, pour la savoir dans un cri souverain de fête qui, ému, dirait aux chaines de faner et aux fleurs de se répartir, de se répandre incrustés de mots, d’espoirs et de volonté, de s’exhaler de la terre morte, de s’exiler de ce bagne salaud qui rassemblait ma jeunesse, élevait de sa ruine maussade la soumission, la servilité et la hiérarchie. Je suis venu ici pour laisser Paris et mes amours desséchés de ma paresse et de ma honte d'être pauvre.  Etonnant de voir le pauvre vivre comme une faute sa seule vertu. Sa seule innocence. 
10 février 2011

Aux assassinées

        Je veux être un suicidé du prestige et de l’honneur, que ma gloire tombe en poussières, incapable de survivre en dehors du corps parasité. Cette tique nourrie des sangs, des chairs, qui grattent l'orgueil sous l'âme. Je veux la gloire, colée à mon buste de gravats, de salive et de foutre, et marcher, marcher et la voir me suivre languide amoureuse, ruisselante et neuve. Je veux voir sa peau blanche et lisse comme la cruauté du bel enfant.  Je veux la gloire et lui serrer sa taille en coton parfumé, lui bander les yeux des parfums féminins noués à ma peau comme des lèvres d'amantes. Elle me prendra la main, et mes doigts déformés de poésie iront dans ses mains gardées des offenses du monde par des gants blancs, pâles. La gloire me dira « où va-t-on » je dirai « vers des pays libres et froids où grelottent la douleur et le silence». Elle croira les montagnes escarpées de Russie, leurs chemins tendus, les falaises aux parois creusés de musique et d'hiver, l’ourlet des collines de neige que suppose l’Oural curieux, elle imaginera la neige recourbée des pas du souvenir, les sabots des cosaques qui dans le ciel font monter la marche des abandonnés et des défaits.         J’attends la gloire non pour qu’elle sertisse mon front de ses brillants venimieux et que mes yeux bleuissent d’orgueil beau. J’attends la gloire pour l’entraîner avec moi dans la mort. Arriver devant les portes de la tombe, je lui dirai « passe devant, gloire, il te faut ouvrir le chemin, couper la corde aux frontières ». Naïve comme la femme séduite, ses yeux voilés de gaze embaumée, elle avancera…Oui, ce pays libre et froid se tient très loin d’ici, de l’autre côté du langage, à la froide extrémité des états -physiologiques. Je lui dirai viens, suis ma voix qui tremble et qui hésite, viens au bord du vertige sentir toutes les maladies montantes comme de la lave. Ma vie je la guide dans le libelle, je l’éduque dans l’offense, je la tords le long du tuteur en bois vénéneux et nerveux qu’elle prenne la forme parfaite des forêts maussades où le poison et la puanteur flottent en un ballet infernal et indistinct, où les mères assombrissent de leurs bouches de cendres grises les fronts saints d’enfants ceints de religion. La gloire, je l’emmène sur les terres pourrissantes de la dechéance, où tombent en morceaux ses mains de plâtres peintes en ciel, où ses seins terrassés par la faim, amaigris par l'amour donneront la nausée aux fébriles de l’ambition, qui s’ils voyaient la gloire -que je délierais- surgir aux carreaux de leurs labeurs, la chasseraient d’un cri inquiet, horrifié, l’ambition menacée de l’odeur mélangée du mal et du baptême des rites occultes. Je ferai de ma tombe un étroit appartement où mes chairs pourrissantes se mêleront si bien avec la gloire conquise, que l’on nous confondra, que les temples à sa gloire prendront un peu de mon visage immonde, de ma tête hirsute, coiffée de nuits et de la chevelure cruelle –et bouclée- du poète. J’habiterai plumes, notes, broderies, je serai dans la phrase, le sordide, et la gloire, morte, décomposée en moi, pleurera trois cris de soufre, couleur crépuscule, avant que de disperser tout à fait ce qu’il lui reste de son murmure angoissé. Au frontispice mon visage menaçant, défait, usé, mon visage abandonné de sommeil, creusé partout de sa laideur primitive.
9 février 2011

Toi.

Le silence je l'aime, il parfume, c'est le chant monotone de ta belle voix qui tonne, et qui module le sens, c'est là que se forme mes mains, celles deux qui promettent des cris à tes reins et menacent tes creux, failles puissantes, de l'extase. Parce que tu n'aimes pas, tu as peur, seulement, peur des voix en toi, celles dans ton ventre qui gémissent, qui grincent, qui se remuent, des voix qui ont des dents qui font vibrer les hommes, et trahir les filles, peur de ces voix qui te jettent dans la nuit avec à peine de chaleur pour tenir dans le jour. Je sais tes yeux où se sont faufilés des mystères couleur d'écume, au goût amer de la dispute. Je sais la solitude blême qui habille ton regard, la nuit à l'heure du sommeil et des couvre-feu moribonds. Je sais tes molles passions, je sais ton cou incliné de fatigue qui se tend vers je ne sais quoi de futur, vers je ne sais quel ordre. Toute l'organisation sociale, ton corps étroit est la société, plein de cases, de mythes, plein de peurs aussi et de renfoncements.
Je sais la tristesse qui enveloppe ton coeur comme le désespoir les yeux du poète et tes mains fines et précieuses qui font jouir les amours et pleurer les fillettes. Je sais par coeur tes courbes de Rhin, taillées en arc, pour abriter les creux,lesabsences et les bleus,les jalousies que ton pas trop noble fait mirer dans les yeux conquis, et je sais surtout, surtout que tu n'aimes pas, que tu te rassures seulement derrière des épaules calmes et larges comme le ciel aplati d'un compagnon. Le couple, ce sordide atermoiement de l'amour. Pour tes souvenirs qui se perdent dans le matin qui fait ta nuque, je saurai faire mon corps unique, rassemblé en un désir, une impatience que l'on nomme du terme vulgaire de fidélité, je mettrais dans le ruisseau mes genoux pauvres, mes mains de guenilles, à la révolte je mettrais un bâillon déchiré dans la couverture de mes romans, aux yeux je frotterai l'ombre pour qu'un peu d'aurore la traverse, et éclaire la nappe de nos dîners. Ah les yeux bleus, ce poison de mes sensibilités. J'aimerais arracher de moi un peu de cette défaite qui me fait le parfum délicat, obstiné, rassurant, qui plait tant à mes vieilles comme si léchant ma sueur elles s'imprégnaient d'encre et de littérature. N'est-ce pas que l'on ne peut pas tenir toute son existence à vivre dans l'intensité, mon corps cette forge sans repos où remue le métal brûlant.
Je t'y attends, c'est de l'autre côté du mensonge que je me tiens, dans le fracas et la danse des astres vierges.
De mes lèvres secrètes comme des parchemins
Je t'embrasse dans la nuit qui me délaisse.

9 février 2011

Je suis une hyène - Henry Miller Tropiques du Cancer

Demain, il pourrait y avoir une révolution,une peste,un tremblement de terre ; demain, il pourrait ne pas rester une seule âme vers qui tourner sa foi à la recherche de sympathie ou de secours. Il me semble que la grande calamité est déjà manifestée,e que je ne peux pas être plus véritablement seul que je ne suis en ce moment. Résolu à ne plus tenir à rien, désormais, de n'attendre plus rien, de vivre comme un animal,comme une bête de proie, comme un pirate,comme un pillard. Même si la guerre était déclarée, et si mon destin était d'y aller, j'empoignerais la baïonnette et je la plongerais, je la plongerais jusqu'à l'âme gardée, vociférante. Et si le viol était à l'ordre du jour, eh bien, je m'en abstiendrai, ce serait mon jeûn moi qui ne mange pas. Dans l'aube tranquille du jour neuf, la terre n'est elle pas toute vacillante de crime et de détresse ? est ce qu'un seul élément de la nature de l'homme a été changé, changé de façon fondamentale, vitale, par le cours incessant de l'Histoire , l'homme a été trahi par ce qu'il appelle la meilleure partie de sa nature, et c'est tout ! Aux limites extrêmes de son être spirituel, l'homme se retrouve nu comme un sauvage. Quand il trouve dieu, pour ainsi dire, il a été nettoyé ; il n'est plus qu'un squelette, plus qu'un fantasme. Il faut de nouveau creuser dans la vie afin de refaire de la chair autour d'une intention. Le verbe doit devenir chair , l'âme a soif de salut. Je veux bondir sur toute miette à laquelle mon oeil s'attaque et la dévorer.. Si vivre est la chose suprême, alors je veux vivre vivre, dussé-je devenir cannibale. Jusqu'ici j'ai mis en péril ma préciseuse carcasse pour mes amours, je me suis brûlé les membres dans ces flammes aux yeux bleus, qui m'ont fait des ravages jusqu'aux poignets, de celles-là dont les baisers malsains viennent encore rembrunir mon sommeil. J'ai essayé de préserver le peu de chair qui recouvrait mes os. Ah s'ils savaient tous ceux là, toutes celles là qui m'embrassent, qui me payent pour mon étreinte, qui m'offrent le gîte, quelques fringues pour une lettre écrite avec la rage et les pleurs de ce que mon enfance crevait de faim, ce que c'est que l'habitude d'un gamin au ventre vide qui par fierté, par orgueil n'en laissait rien voir, qui se tient bien droit dans l'appartement exigu qui courbe tout, ah s'ils s'en doutaient n'est ce pas des misères que les miennes, de l'enfance répétant les poèmes pour éviter la crevasse de l'appétit jusqu'à tout à fait la nier et le désintérêt de toutes les choses de l'avoir, du détenir, de la possession, s'ils savaient ce qu'il est inutile lorsque l'on sait lire d'avoir longtemps à manger, il suffit de se tenir droit et de n'en laisser rien voir. J'ai faim depuis que j'ai six ans, et cette faim est une alliée, cette pauvreté un rire qui effraie tous les autres, qui m'a effrayé moi aussi, on m'a tant répété que dehors, dehors, sans études, sans diplômes l'on meurt. Mais on oubliait de me dire que l'on crevait de vivre tandis que dans ces cloaques, ces salles empestées, entouré que je suis de mes indifférences de camarades répétant les mêmes mots usés au milieu de mes souvenirs troués, bariolés, ici l'on crève d'ennui. Je n'imagine pas un baiser de leurs bouches, de leurs langues, je m'en voudrais de les sentir se décomposer dans mes matières, de savoir ce que c'est que leurs silences, que le tamis de l'argent, ce péché originel sans baptême, cette souillure à l'âme qui s'étend, qui s'attache. Ma misère, ma faim sont un peu de moi, ils tressent ma mémoire et voilà la vacance que la mienne, mes silences à midi et mes reves de plus tard, vivre, au bord des désespoirs, dans les bras d'un amour aux yeux bleus comme j'en vois un que j'aime dans le rouage muet des rimes que je voile, qui n'en lira rien. L'impossibilité, quelle falaise abrupte, délicieuse, aux pentes de sucre, quel paysage fantastique, recouvert d'une mousse blême comme la cendre d'un cigare, une jungle pleine de menaces, et je laisse trainer mes acrostiches comme des sentences, et des dangers. J'en crèverai qu'elle l'apprenne. Bien sûr j'aime, mais de loin, j'aime comme l'on maudit, j'aime sans en rien voir paraître et je m'amuse de mes amours de misère quand je vais massacrer le flanc de Marie sainte au prénom ; putain à la morale. Je ris d'hurler les syllabes de cette belle que je frôle toujours et qui ne sait rien de l'agonie de mes yeux ni de l'horreur malsaine de mes nuits encombrées de vices et de terreurs. Elle dans ses sommeils doux ignore tout sûrement du puits profond que peut-être la nuit. Cent huit pouces de plis à aplanir, d'eau noire à boire. Et je vous jure, je ris, moi de cet amour que je trace avec les doigts pris dans le talc du soir et qui colle au prénom que j'embrasse comme la litanie que l'on fait au diable.
J'ai atteint les limites de l'endurance.Je suis acculé au mur, je m'y appuie- je ne peux pas battre en retraite. Historiquement je suis mort. S'il y a quelque chose au delà, ce sont tes yeux, mais je n'en veux pas, j'aime trop l'ardeur, trop la fougue, trop le désastre de mes mains et les nuits invariables, infondées, les nuits sournoises, indépendantes qui poussent sur le talus de mes cuisses. Dans tes yeux j'ai vu Dieu, vraiment, premier émoi quelque part dans janvier.  Mais il est insuffisant, dieu. Je ne suis mort que physiquement. Spirituellement, je suis vivant. Eloïse vous dira combien mon fantôme baise bien, et comme ma pensée seule lui procure mieux d'extase que l'entière réalité de ses amants coutumiers.  Moralement je suis libre. L'aube se lève sur un monde neuf. le monde que j'ai quitté -le vôtre- est un zoo. Je me couche dans une jungle dans laquelle errent des esprits maigres aux griffes acérées. Si je suis une hyène j'en suis une maigre et affamée ; je pars en chasse dans vos pensées pour engraisser l'enfant affamé que je suis demeuré.

La vie m'amuse trop pour que je la laisse tomber.

8 février 2011

Saint-Augustin

 

Deux lèvres ont fait deux destins aux rides voisines. Et quand l'une faisait le silence l'autre inventait le murmure. De l'union des deux au lieu de la parole, se formait le baiser. Ce baiser parcouru du frisson qui se tient dans le chuchotis, ce baiser plein de l'ombre présente au silence. Ce baiser qui détache des lèvres les squames de la torpeur, ce baiser aux rigoles de larmes enfièvre le front.

Deux lèvres ont fait deux pays aux tombes bienheureuses et quand l'une faisait le chant l'autre jouait la musique. Dans les bois de la jungle se levait l'hymne et la révolte. Dans des arbres creux coulaient tes yeux de rivière et des cordes des forêts montait cette mélodie.

Deux lèvres ont fait deux matières, de l'une de brume et de l'autre de gypse pour faire du corps humain, le paysage des émois. Tes deux lèvres me sont l'étang au contour d'estampe où se désaltèrent mes envies ; où penchent dessus le vide des cils de sapins.

Deux lèvres ont fait deux rails tendus vers l'orient de ton cou.

5 février 2011

Frissonne le remords

Je ne sais vraiment qu’une rime, qui débute au baiser
Frémit de silence, et joue sur deux lèvres accordées
Tes dents, ce cri, qui mordent dans la nuit
Et jouent cette sonate,

Tous les monstres, les bêtes, les mythologies, je veux bien céder ma nuit, je veux bien dessecher le plaisir si tu m’offres un peu de ta prière. Je veux y boire, dans ces grands cris.
Littérature de la première personne, insupportable.


Et la lumière ridée joue des castagnettes
Contre mon corps endolori, coule comme une rumeur
Et gonfle sous ma paupière à la façon d’une source
Lointaine.


Ce pays lointain, te souvient-il sa gloire, et ses hommes qui couronnaient des femmes
Rue Kahina, souviens-nous, s’il te plaît ton prénom, ta cour de musique et ton drap de pierre.
Souviens toi peuple de la soumission que l’on fit à tes membres, et la laideur à laquelle l’on forçat tes femmes. Peuple, vois sous la soie, sous la pudeur de tissus les beaux cheveux d’une mère qui roulent et frissonnent dans le bruit de la mer qui avance et odore le paysage. Regarde le cou de ta voisine, tachée de blonds, de noirs, c’est la nuit qui s’y défait lente et immuable, la marque de dents que laisse la marée sur le sable frémissant de nos grèves. Je rentre tard toujours, pour l'écrire, raconter à ces pages l'outrage petit que je laissais aux flancs d'une brune aux yeux bleus. Je sors visiter ma voisine à minuit et je pars à deux heures, dans le fredonnement de l'eau qui ruisselle de sa douche où je ne la rejoins pas. Au revoir mignonne, je suis amoureux de l'étrangère mais il faut bien que la nuit se passe et se partage. Deux moments comme deux ventricules au crépuscule qui palpitent et se fendent. Salomon divise mon soir en deux parties. Yeux bleux ; encre noire.

Sommeil tu ne venais pas. Je t’attendais, je veillais. Je tenais, et il n’y avait que la nuit, la nuit dans mes nœuds, dans mes colères, la nuit engluée dans mes boucles, la nuit infernale, et je l’ai su par cœur de t’attendre sommeil qui ne venait pas apaiser mes effrois. J'aime les yeux bleus et la lueur incertaine, tremblotante, poignante pour ma panique. J'ai peur de la nuit invariable, de la nuit obstinée, butée sur mon corps, arquée sous ma nuque. Quel rire, qu'écrire dans les draps à demi-inconnus, sur cette intimité déflorée d'ennui.

Je lis Rilke. Un autre insoumis du sommeil. Un de mes frères agonisé.

 

4 février 2011

Artémis

Inspire moi les choses belles et cruelles qui pendent comme des lumières d'Opéra au bout des doigts salis des innocents. Raconte moi comme les mots vont te chercher au fond de toi avec leurs mains crochues, quand ils lèvent sur tes lèvres bosselées, des draps semblables à des drames. Inspire moi ce qui craque dans la peau quand les larmes retenues forment sous le visage un masque et un territoire où personne ne sait plus rien du visage que son immense barbarie. Raconte moi, dis moi que tes yeux ce sont deux gouttes de rosée que l'hiver a surprises en haut de tes cils et te les as offerts comme deux perles myopes d'où voir pour demain les offensés du monde. Inspire moi les mots qui débordent du crime que l'on soudoie avec des gestes pirates, et les manivelles qui se tournent avec ferveur comme des prières de charlatan et des superstitions. Raconte moi encore pourquoi tes yeux ne battent qu'avec lenteur, ce qui recouvre ton coeur plus que la peau, plus que la flanelle et le velours de tes paupières de Versailles, dis moi le souvenir qui y mordille tes sens et te fige le sang en un liquide transparent et silencieux. inspire moi, sois Lo s'il faut ou Lou si c'est trop court, mais soit celle contre ma langue là où le vocabulaire pousse comme dans un champ humide, sois la terre fertile mais jalouse qui réclame des semences de douleur pour jeter dans les cimes les écorces brunes et douloureuses de l'écrire. Sois la belle puissance qui tonne de mots comme la peau du tambour, sois avec tes yeux la nuée où s'abrite la sauvagerie des orages vibrant de peur dans les courbes rondes comme des joues du très haut tressaillis. Donne moi tes yeux que j'en fasse des mots.Toi oui, dont je sais le froissement et les mains qui dansent, et qui jouent de ces instruments d'Afrique, je t'imagine le corps facile des danseuses.

C'est que je ne suis pas un être définitif, c'est que je ne suis pas un être des stabilités et des subtilités ; des mesures, des contentements et des ruses, c'est que l'on ne bâtit rien sur moi. Ma vie dure le temps d'un fruit sucré. Je suis une parcelle infime de l'été. Je suis ce refus systématique des suggestions, cette colère perpétuelle qui s'est mise un voile islamique à la crinière cruelle.
Que je me fiche du bonheur, que je me fiche de la joie, je veux la chaleur dedans, passer tes mains sur moi et que tu sentes dedans les saisons réunies, ce mélange des quatre moments du temps qui ont fait de moi des mains de givre, et des yeux jaunes comme un foie malade ; et les mots dessechés d'été et la plaine découverte de printemps. J'ai tiré la terre aux morts, pour faire pousser des mots, et les voir luire. Ton manteau, ton hermine, voilà de quoi je les taille : de la mémoire et de l'Histoire. Dix mille ans se tiennent sur tes épaules de songe, mon infortunée, mon ignorée. Tu me rends le goût, et les sens. Mais je n'ai pas guéri de la nuit.

Ma voix d'affecté, quand je me penche au dessus-du silence, et que je fais remuer ton prénom comme une braise qui va lancer sa couleur. Tu ne le sais pas, comment pourrais-tu. J'ai mille amantes irriguées de ma solitude. Je joue des nerfs comme du violon, chatouille les cordelettes, le musicien sait faire hurler toutes les bouches, de l'écarquillée du violon à la charnue des fillettes.

Je veux que l'on dise de mes baisers qu'ils sont l'enfer, l'enfer en plus froid. C'est qu'il existe bien ce pays aux falaises abolies, aux tours monstrueuses jetant dans le noir, dans les sinuosités de l'ombre, dans ces rigoles de hasard quelque chose impossible. Comme aimer. J'ai fait tout un poème, qui est une ode, qui brûle bien entre mes doigts. Voilà ma lumière la nuit, pour supporter l'affront de son sépulcre. Voilà mon alcool pour oublier l'outrage de la femme-sommeil qui toujours se dérobe au désir abandonné ô sommeil J'ai conquis tes soeurs, bien sûr. Litanie de prénoms. Je vous oublierai.

Cette nuit, j'avais jusque deux heures, enroulé sur la bouche l'odeur mesquine de Francesca, qui avait les mêmes yeux clairs que toi, cette nuit j'avais son humeur vacillante contre mes doigts indifférents. Je l'ai déjà dit cent fois, je n'ai de virilité que mon écriture. D'ambition que mon cri.

J'aimerais te mettre aux oreilles, plus tard, de lourdes boucles en argent qui tintent comme des cloches d'Eglise pour te faire tout à fait céleste, pour qu'avec tes yeux très parfaits, très prisés, tu sois et tintement et lumière comme une messe.

3 février 2011

Aux nuits impossibles.

Il y avait longtemps que ce cœur noueux, aux artères noircies de fureurs, n’avait pas frémi d’un souvenir humain. Qu’un visage tout centré dans le réel, sans les trucages de l’alcool, sans les audaces incertaines d’un corps tendu de vilenie, n’avait pas ému ma fatigue, n’avait pas débordé ma torpeur. Si longtemps qu’il me souvient mal mes conjugaisons, le temps y a creusé des morsures clapotantes comme la pluie au pavé des visages.
 
Si longtemps que mes lèvres ne fredonnaient plus que des habitudes, jusqu’à, jusqu’à ce que toute l’infernale machinerie, émue, se dissimule et tapisse ses rires dans les rimes qui se marient à la nuit qui les fait naître. Yeux bleus, j'aime les rivières qui chantent dans vos iris. J'aime d'avoir le corps promis à une destination de l'écho de félicité. De vous chasser vous, souillures, vous étrangères, inconnues, demie-femmes, fioles et folles. J'ai un amour qui ne le sait pas, qui ne le devine pas, et qu'il est bon le sang qui chauffe avec entrain dans l'artère, et son concert qui remue. J'ai un amour de loin, que je frôle avec la voix. Toi.
 
Je suis de ces maisons indolentes, qui flottent sous les arches que sont les tropiques, qui ceinturent à trois moments du monde les routes d’aubes. Qui découpent l’eau en part scélérates pour former océan et mers.
 
J’ai passé du temps à dériver d’esquifs en esquifs répondant selon des reins féminins, les bateaux d’aventuriers remuent toujours de l’œil bleu et souverain d’une belle. Deux mains dans l’écume ont creusé l’Amérique, Collomb et son corps de matière et son odeur de musc ; Santa Maria pleine d’échardes à l’haleine ivre de rhum. L’aventure prolonge le corps des hommes et débute à l’ombre des femmes. Je dérive dans le rein fragile, sur la côte taillée en presqu’île de mes amantes. L’amour est chose unique et réunit tous les délires, toutes les ambitions, ce frémissement que c’est qu’être en une passion, en une violence. C'est aimer qui barre le souvenir du reste, et éboule sur la mémoire le miracle du présent.
 
Qui me nourrit, qui m’inspire, qui réveille la faim en moi, qui donne à la soif l’envie de puiser dans les mirages l’eau soudaine et vive, n’est ce pas la rupture entre les fictions ; la fusion dans mes nerfs des  yeux pâles et de ma colère chaste? N’est-ce pas de savoir défaire avec les doigts qu’il y a dans la voix les ronces de mes cheveux où les images dansent comme des pendus ? Qui lève en moi la douceur insoumise et chasse l'indifférente d'un baiser brisé ? Je ne peux plus toucher d'humaine matière, un temps, le temps que tout mon être convergeant d'une audace n'aura pas apaisé son cri d'aimer. Le parler sentencieux au prieuré. C'est que je t'aime toi, dans tes voiles pudiques.
 
J’ai aimé les yeux clairs de croire toujours que ceux-là m’attendent de l’autre côté de mes nuits insoutenables, où dans mon corps le crépuscule se purge et le jour se tarit. Je les ai souvent rêvés les yeux bleus et gris tendus dans la nuée, avec toute la promesse du sursis et le sommeil ne venait pas. Je ne remuais pas, et j’attendais qu’il roule dans ses doigts indifférents toutes mes usures, que sa bouche panse mes nerfs vifs, aigus comme des psaumes. Je ne peux devenir que depuis la lumière qui gronde, tumultueuse, dans le roulis capricieux du jour qui taille dans la nuit les meurtrières de l’aube. N’est-ce pas ces chemins emplis de mystères, dans le creux d’une forêt, que moi ? Où les mythes mordent la terre et la foule. N’est-ce pas moi, que le silence la nuit, d’entendre le clairon des villes un à un tituber dans l’ombre jusqu'au néant? J’ai vu le visage humain du jour se lever du tombeau du soir, vu ses guenilles et ses épines. J’ai vu le visage du jour qui ne me ressemble pas disperser les restes de la nuit dans des vêtements chinois de deuil. J'attendais que le silence en finisse de moi, qu'il achève de railler mes fragiles scansions, que son rythme de soldat taise, taise, taise le sommeil ennemi. Celui-là qui me fuit, qui se trouve un complice pour le masquer. J'ai toqué à des portes, cherché dans les sexes des filles un peu de la part du sommeil qui me revenait. J'ai trouvé l'ennui dans les bras des amantes déguisées en feu. Je crois l'avoir cédé, le sommeil, confondu avec de l'âme. Je l'ai cédé une nuit de mars, il est longtemps, j'ai oublié. Oublié sa forme, oublié sa voix, oublié ses hymnes. Je ne sais pas. Je retourne le nulle part.
 
Que ce corps fragmenté en dix corps et sept prénoms que sont les amantes se trouvent une retraite. Qui sont des remèdes à la nuit ronde, amère, que j’avale comme un cachet d'aspirine. N’en faut-il pas des anesthésies pour bander le délice d’être ? N’en faut il pas des entraves au cri, en attendant d’aimer il fallait déjà brûler. Ne m'en voulez pas. Les yeux noircis comme des craies.

31 janvier 2011

Les pleurs de vingt ans

J'attends minuit pour marier les rimeurs.
Aux petites filles cruelles.
J'attends la fermeture du corps-échoppe.
Pour braquer les virginités.
Dans les pleurs des garçons
Je fais des ablutions.
Dans le sang primordial de la fillette qu'on corrompt.
Je me baptse.
Mes promises ont des regards troubles de rouleurs.
Meely est une chienne dont deux enfants mordillent le regret.
Mélusine, ta voix est le fard de mes vies.
J'ai injecté dans la blessure faite avec les dents
Un peu de la salive de mon ventre.
Mon corps est une coque de métal.
Où l'eau pure des sources bataille.
Je suis infiltré de joie.  
Saleté de maladie !

20 janvier 2011

Mignonne allons voir si les chaînes ont fâné.

          

        Je t'écris, parce que c'est la nuit, la nuit est son manteau de soie livide qui permet toutes les audaces. Je t'écris parce que c'est le tard qui commence à gonfler mes doigts de ce liquide opaque et dangereux qu'est l'outrance.
Quand je dis j'écris il faut entendre tout ce qu'il y a de musique dans un mot, celui-là qui du tiret casse en deux, libère trois odeurs distinctes et pourtant siamoises, mêlées dans un creuset ; tombes des corps ennemis et promesse de l'alliage.
L'amour sert de ce petit récipient d'argile, il unit les matières réfractaires, et mêle deux chairs-fictions qui vibrent en un sentiment béat, imbécile comme le serment des messes, qui rend les yeux beaux et les mains grises ; les doigts crochus de la caresse retenue et les cils courbés de la joie demeurée.

Une fois je t'ai vue, et la Loire coulait, elle coulait comme un crachat sur l'offense, elle y roulait, grouillante de vagues insensibles, on aurait cru le Rhin noir buvant aux flaches sombres qui mouillent les fauves des forêts, on les dit loups ou poètes, selon s'il fait assez noir dans la vie pour ne rien distinguer que leurs yeux d'éclair remuant. Il y avait la Loire, et la ville sentait le début de l'hiver, il y volait bas quelques signes de décembre, un cantique, un chant clos et le ciel pâlissant de son éternité. Il y avait toi quelque part, qui te tenait là, dans un murmure. J'ai le souvenir de ta voix ; une part mangée de ton reflet dans mes ivresses. Je n'offre pas de miroir pour les ombres de couleur, je mire les visages beaux comme des Pomone de velours dans les bouteilles vides de l'ivresse solidaire d'un partage : voilà mon pain chrétien, c'est du verre parfumé et sa mie recourbée, extrémités coupantes des brisures, boit à mon sang ce qui lui manque de rivière.

Je ne sais rien que les rimes insensées, retroussées comme des diphtongues ou des bijoux glissant le long des berges d'un corps éclot par le minuit. Fleur pâle gémit ses parfums, ta bouche s'ouvre, on entend la senteur impatiente qui brise ses longs doigts sur la peau d'un homme, et l'haleine de son envie te peint les reins, d'un zénith.

Je ne sais rien que les tourbillons qui brunissent les peaux, comme un soleil douloureux, comme un chant de Nerval qu'on harponne du fer d'un oubli, trois dents qui chacune représentent un espace, une dimension. La première est le ciel,d'où dévalèrent les premières lueurs, s'il lui faillait un nom ignoble on la dirait aube, la seconde ce seront tes yeux, il y peine deux amours du nom d'inconsolés, le dernier enfin, c'est mon ventre froid comme du marbre, il s'invoque d'enfer et demeure sous l'épaisse voilure des pas humains. Ces trois espaces, au bout de la harpe des musiques, forment l'Univers, l'auge bête où boivent les vies. Voilà la route des chutes, se meurtrir des trois dents de l'oubli, se couper de chacun des poisons qui s'y figent

Je ne sais rien que la nuit qui fume sur le bord du jour deux cigarettes comme les aiguilles d'une horloge, que le jour rétrécit comme des ombres dans le soleil cramoisi d'un midi qui grogne.

Le crépuscule se démonte comme une mer et les vagues qui montent, dans leurs crêtes d'encre ont des regards d'hypnose.
J'ai ajouté au langage les zones érogènes
Pour que l'on ne sache de mes mots
rien que le cri
Sans pleurs.
Parfois je veux dire "je" mais rien que le mot "déchirement" jaillit, comme dans ces terres que l'on creuse des ongles pour voir jaillir l'eau claire et chantante des amours et des soifs et cette terre fatiguée de doigts ne crache rien de pureté, et vomit des glaires : pétrole noire de cette nuit, belle endormie des croûtes terrestres. C'est comme un pus qui roulerait des yeux en place de la larme précieuse et funeste de l'oeil bleu comme une Loire guérie de la foule.

Mes yeux abritent comme des dômes les souvenirs plaisants.
Cette nuit
Dans la fatigue pleine de trous, de vides et de mots, c'est ton ombre qui y demeure, à la jointure d'autres ombres, proches de la cassure qui laisse voir ses sutures. dans ce dôme de paupières, où les yeux curieux sortent de leurs orbites voir le monde, gargouilles de la pierre flexibes, aux mouvements secrets, mamie crenelée.

Lucie, c'est un prénom dans ma bouche
délicieux comme la mûre sauvage
Du souvenir dont la liqueur
Parfume mes muscles.       

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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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