Sur le bord gelé de la route,
deux cristaux translucides meurent à la commissure des lèvres
bleuies. Celle du bas tremble un peu, un frisson que brouille la
perle ronde et humide. Un revers de main. De tes manches très
longues pour cacher tes blessures. Ton silence pour masquer les
fêlures dans la voix. Avec la violence pour masque au secret,
parce que personne ne voit les douleurs que tu traines. Parce que tu
crois, la souffrance comme une dépouille exquise, et les
autres des charognes, et le dire, comme le miasme.
Dans des sacoches. Où tu joues
l'équilibriste sur les pentes verglacées, tu n'as pas
de baton, tu n'es pas majorette, tu ne défiles que pour dire
adieu. Alors. Sur les fils de verre, sur la corde tendue, la langue
tirée par l'effort, tu marches en agençant tes
souffrances, en éradiquant ceux qui pénétrent
tes 90 cms de l'intimité pour préserver les 21 grammes
de l'âme. Tu hérisses deux herses, et une douve où
tu jettes l'alligator de nos égoûts, de ton dégoût,
une muraille de glace, et des stalactites pour le pal, pour te
protéger, tu as grévé le sol de soldats en terre
cuite. Il faut être plus chaud que le froid de tes murs
d'enceinte. Ceindre la ceinture de glace pour la faire cendres, pour
la faire larme.
L'hiver dans les coeurs. La vie se
colore en se fendant du souffle gris des soupirs hésités.
La route est verglacée et de décembre tu n'as retenu
que le manteau rouge sans le gros ventre pour réchauffer ta
tristesse, sans l'oreille et la hotte de jouets. Tu as mis les
patins. Pas pour ne pas salir le chemin. Non. Pour patiner. Glisser.
Tu as l'habitude de garder l'équilibre. Puis. Puis, j'ai ma
paire moi aussi, de claques qui claquent. Les patins, fissurent la
glace pour laisser dans l'hiver un sourire. Ou une cicatrice, un
mouvement hyperbolique, désordonné, imprimé sous
les frimas. Ne pas ralentir. Ebrécher, s'émêcher.
S'emmêcher, s'en mêler sans concert.
Tu as les jambes croisées sur la
borne de l'autoroute, tes manches tirées toujours de ton pull
souple, de ton manteau rouge. Une cigarette à la main, parce
que tu aimes trop ça, et comme ça. Un peu de chaleur.
D'incandescence, au moins au bout du mégot. Tu as les jambes
croisées, transies parce que dehors les bourrasques soufflent.
Mais tu ne sens plus rien. Tu te laisses mourir sur le coin de la vie
pour ne plus être détruite, tu regardes ton corps geler,
les escares grimper. Mais mon amour. Les statues de glace se brisent
quand elles tombent. Alors laisse moi, juste, cracher des soleils
rouges, des soleils de fin de siècle par la bouche pour que
ton corps paralytique reprenne vie, et couleur, que s'estompe le
blême, et la couleur, l'arc-en-ciel des larmes et du sourire
pour croquer la vie livide, pour combler le lit vide...Faire frémir
les sens condamnés, encore, et te donner, donner, offrir, me
vider. Je serai l'homme à la cervelle d'or, qui pour sa belle
racle le fond de sa tête, et en meurt..
Blanche-neige. La mort au bout des mots
dévorés trop goulûment. Ils ne sont qu'à
toi, sous la serre de ma tête fertile, ils ne poussent que le
long de ton corps. Déesse, antique, Bacchus féminine
recouverte du lierre du verbe. Je t'offre mon verger. Et mes mains
blanches. Sous les cristaux de décembre, sous la danse des
arbres. Nous c'est parti, pour les tourbillons fleuris mais épineux,
pour le soufflet et la joue, pour la nuit et les étoiles. Ca
ne s'éteint pas, tu sais. Parce que ça ne s'entend pas,
ce son, dans la poitrine qui déchire le ciel comme un soc
laboure le coeur. Il n'y a que nous, toi et moi. Le tout est plus que
la somme des parties...
Tu entends le vent qui souffle à
la Terre ? Les mots tristes, les mots, confus ?
Quand tu n'es pas là, la vie est
un gaspillage de temps, égrenner les secondes, se torturer au
bout d'une aiguille, s'y piquer. Espérer dormir 100 ans,
jusqu'à ce que tes charmes m'en tirent. Un baiser volé.
Mon amour.