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8 septembre 2008

Esquisse du prénom

Il y'a ces couloirs longs, qui ne se doutent de rien. Le décor n'est pas à la hauteur, le décor ne se colle pas à ma peau. Le train ne va pas assez vite, le train s'arrête, me nargue, les gens ne me regardent pas, le sens n'est pas à sa place. A l'intérieur, je visite mon impatience. Regardez-moi, je pars, j'arrive. Je vais la chercher. Silencieuse comme un jour de février, sous la pluie.

L'instant est calme. Ses yeux sont grands, ils étouffent une peur qui bat dans les poumons, ils encerclent un sourire timide qui tremble sous la langue, ils ouvrent grand les paupières comme une bouche pour engloutir votre corps qui arrive, pressé, souterrain, poli. Et vous, et vous, et vous, bien sur, bien sur, tout doit s'accélérer, les mots, ici, là bas, les mots d'autrefois, de ces jours là, bien sur, vous, qu'attendez-vous, les mots mouillés par un regard inconnu, défaits par un sourire silencieux. Bien sur, vous attendez, que les mots trahissent. Non, rien, j'ai croisé mon ombre. Stop. Seulement les trajets sont lourds, seulement les trajets peuvent décrire, ensuite, je suis incapable, je suis l'impuissant, je suis celui qui descend dans le lac, qui ouvre la bouche dans l'eau, qui s'étouffe avec son sel. Ensuite, je suis incapable, les mots ne vont pas assez vite. Bien sur. Je suis incapable de dire, la surface d'un rire, des cheveux solides sur un visage plat, incapable de lui prendre la main, de la regarder sans penser. Sans penser que. Par la fenêtre, elle imagine, des mots, des phrases, des littératures oubliées, qu'elle imagine. Pourquoi. Je suis incapable, bien sur, vous, vous attendez, mais je suis incapable.

Il y'a eu cette scène :

la chambre est seule, la chambre est serrée. Je la reconnais, je ne la connais pas, mais je la reconnais, je la rencontre. Il y'a le bois, sage, et les photos accrochées avec empressement, les photos impatientes, les photos immobiles qui traversent les murs. Il y'a une armoire en bois, fermée, qui semble n'avoir jamais été ouverte, l'armoire interdite, l'armoire du désordre. Dans ma tête, c'est l'armoire qu'on n'approche pas. C'est ça. Maman disait que. Elle avait raison. Il me fallait des interdits. Ca sera l'armoire, et ça sera sa main. Sa main droite posée à côté de moi, comme un animal apeurée, fraîche et nouvelle. J'imagine sa nuque endormie sur l'oreiller, je ne la vois pas, mes cheveux cachent mes yeux, je ne vois pas sa nuque, sa peau, mon visage est penchée, je ne vois qu'une main. Une main qui n'est pas une main. Une main déguisée en main. Une main qui ressemble à une attente. J'imagine l'odeur, j'imagine la moiteur. Je ne vois rien, je ne sens rien. Il y'a mes pieds qui se frottent, l'un contre l'autre, à l'autre bout du lit, ma peau qui se détache, mes pieds gorgés d'eau de la douche, d'eau parfumée, mon tee-shirt qui se soulève au dessus du bassin, une langue silencieuse portée entre deux lèvres. Il y'a une main et un corps que je ne vois pas. Je ne me retourne pas. Et commencer. Commencer le travail. Commencer le travail, du désamour. Retenir, tout retenir. Cette scène, où je dois tout retenir. L'odeur, la forme de l'armoire, la couleur des draps, le trouble du plafond, le silence de son sommeil. Ne rien oublier. Retenir, la nuit derrière la vitre, qui nous regarde, qui me questionne. Je me bouche les oreilles. Tais-toi. Vite, s'approcher de tout. S'approcher du départ, de la main, de la lune, du miroir fleuris, des bougies éteintes, des dentelles qui essaient de deviner. Taisez-vous. Je voudrais que les éléments se taisent. Je suis dans mon action. Je suis dans l'émotion brouillée. Il y'a cette scène donc, et cette fille, en face, cette actrice, qui remonte sa robe, qui empreinte les traces, de la nudité. De ma nudité, que j'ai oubliée, en venant ici. Je ne parlerai pas, je ne bougerai pas, je ne me déshabillerai pas, je ne pleurerai pas, je serai mélangée. Je serai poli. Il y'a cette scène, de ma première insolence : tout retenir, pour m'oublier.

Et puis, il y'a cette autre scène :

La salle de bain est moite, de partout. J'ai les pieds humides, je fais des traces sur le carrelage. J'ai la peau qui glisse. La porte est fermée, le miroir est embué. Je reste, là, silencieux, dans cette petite pièce qui tombe de mes gestes. Je fais glisser sa jupe le long de ses cuisses. Je troue des collants qui s'emparaient de deux mollets mouillés. Je retire un tee-shirt blanc doucement, je ne brusque rien, je soulève les bras pour le faire passer par la tête, ses cheveux se collent à mon cou, à ma bouche, à mes pommettes, l'odeur du shampoing me courbe la nuque. Je lève la main, et d'un doigt, je parcoure tout le long de la pièce, je touche les murs de la salle de bain du bout du doigt, je veux ressentir, la matière, le parcours de la peau. Mon doigt se courbe devant les plaques de carrelage froid, le ciment est docile, il laisse passer, ma trace. Arrivé à la fenêtre embuée, j'écris son prénom, [...] , mes lettres glissent, sûres d'elles, arrondies, penchées, [...], légèrement, sans appuyer, la buée se laisse effacer, amoureusement, jus d'air, esquisse du prénom.


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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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