LSD
HEIN MADAME MAJOR DE PROMO ETC)
Dingue. J'ai la gueule de la nuit pour que me causant tu imagines qu'elle entende la supplique et les plaintes, puis vienne bercer tes soirs et en faire des matins, orgueilleux/merveilleux, des merles moqueurs accrochés à tes yeux las ? Qui ploient, battent, et sans ailes s'entredévorent le sommeil. Moi je n'ai pas le temps de dormir, moi j'ai le temps de piller, voler, d'organiser des détentions. On a chacun pile comme on mérite, des prisons suisses, des boucaniers hurlants, Bruant, des culs brûlants, des seins, des bouches, et tout béant ouvert. Fais gaffe, à voir derrière l'insomnie mes membres tragiques tu vas tomber amoureuse, et de moi, c'est toujours très bas, vil, sournois. La chute, c'est moi, j'ai tout un épisode biblique qui part de mon nombril en mille cercles concentriques jusqu'à clouer Christ, à bombarder Port-Royal,à assassiner Henri IV. Ravaillac, c'était mon frère. Je peux tout faire avec du verbe, avec ma voix d'angelot qui sonne comme une cloche : les baptêmes, mariages, enterrements, tu t'imagines ce que j'y mêle moi, la vie, la mort, la renaissance, tout ça en un octave, en deux silences, hop. Vas-y pends toi à mes muscles. Fais gaffe mignonne, à pas trop t'approcher, je manie la foudre qui me tourne autour des yeux, j'ai le coeur buté sur un bâton de merveilleux, j'habite un vertige. Mais j'ai pas envie, ça m'intéresse pas moi, tes yeux, tes doigts gourds, et quand je dis tes yeux, je dis ceux de l'humanité racoleuse, je dis la foule rieuse et la mélancolie furieuse, je dis le monde et l'insomnie. J'ai divorcé des gens sur ma butte. Je suis riche, très riche, -comme Bruant- j'ai des soutiens en or, des baleines d'argent, des armatures en uranium, tout un cancer de fric suisse dans la gorge, je peux chanter un hymne à la vie. On me voudrait plus sobre, mais j'aurai toute la mort pour décuver ma vie, et toutes les ivresses que je vous ai pris. Toi, tes yeux, ton ventre, jusqu'à ta matrice stérile je connais, jusque derrière la peau, si retournée qu'elle exhibait le foie, le ventricule, les os, et les poumons noircis, ouf, et le pancréas, estomac, intestins, je sais ton anatomie, ton architecture en vrac, mille fois je te possède, mille fois je t'oublie, parce que je me souviens des détails, de la lumière qui jette ses reflets au plafond, le soir, ouf. A la fenêtre, Crowne Plaza, Bruxelles, des photographies, ouf, la nuit à quatre pattes, ton chapelet qui attache les perles de ta misère au ventre, ouf, les larmes,les baisers, les adieux, et Avignon, et Loison, et Chatou, et Boujan, et Montpellier, et Lille, et Bruxelles, et Genève, et Nice, et Pornic, et Leucate, et Grenade j'ai un abécédaire de villages et de montages, j'ai été de A à Z sur des corps de fillettes, j'ai tout l'univers entre mes doigts. Mais j'ai arrêté, quand j'ai vu que tout le monde pratiquait je me suis mutilé le visage, j'ai défiguré ma séduction, c'est traitre, et c'est pas joli, tout le monde fait, du plus ignoble à la bouche tordue ou poète transi de douleur. J'ai decidé de naître Louis XIV, je vais être soleil couchant, crépuscule, et puis la Cour, on jouera Molière et on l'interdira en même temps. Allez Solène, file, ouste, fais attention à mes postillons ensorcelés quand j'hurle ma vie, quand je clame mon être, c'est tout empoisonné, ce sont dix comètes qui jaillissent de ma bouche. Je suis avec du désir dans les membres, les phalliques et les autres, j'ai dix femmes orchestres, une flute et j'y colle ma bouche, un piano femme tendre sur lequel glisse mes doigts. Tu sais toi, combien c'est facile pour un pianiste de faire jouir une fille, et ses dix mille nerfs comme les cordes du piano, sa peau comme l'ivoire du piano, ses gémissements comme le cri du piano, tu sais ça, d'une caresse, j'en arrache dix sols, dix planants, et des la, des octaves, et puis même un dièse, un dièse qui jusqu'à Kaboul fait jouir les femmes sous burkah. Y a pas à accorder une fille, y a juste à lire sous la peau, les nervures, les veines, les souffles, et puis ça crie facile, et c'est du plaisir insignifiant, alors que la musique, Solène, la musique quand ça monte dans l'atmosphère ça fait des fusées qui s'écrasent sur la Lune, la musique, ça s'élève, ça fait bien attention à tout ramasser les notes. Alors pourquoi tu me causes, c'est un peu de la solitude, dans tes silenecs, et tu croyais, que t'allais là dans tes nuits m'enfermer à double mépris dans tes cellules d'emploi du temps. Non, t'as d'autres gens, alors moi, parce que j'ai cette gueule de poète, et c'est pas tous les jours qu'on croise un authentique génie, un qui peut faire naître la flamme d'un verbe, vas-y dis moi ce quej e frotte que j'en fasse un poème symphonique. Ah la musique, la musique, et je te réponds avec du retard moi l'attentif, moi le patient, parce que je faisais cracher une flute des gémissements, parce qu'avec la langue j'arrachais des sanglots puissants à un corps tout fragilisé de détresse. Au revoir Mlle Jardy, au revoir So, ou qu'importe qui tu es. Donne moi des nouvelles de tes insomnies, que je m'amuse à les découper en tableaux, à cracher de la peinture. Je suis trop grand pour l'Univers, alors je le porte dans ma poche.
Je sais que pour te reconquérir il faudrait dispenser un silence tout teinté de mots, de l'ombre des mots. Mais je m'en fous, ton cul est intéressant, mais cent autres qui gravitent autour de mon nombril autant. La raison, la vraie, c'est que tu n'as pas encore tout à fait rejoint la procession de fantômes que je traverse au milieu de mes marches, la nuit, à travers lesquelles je passe quand je déambule entre deux insomnies, une paire de jambes, mes jambes, ses jambes. C'est que tu n'es pas encore, malgré ta paleur, toute transparente. Alors ouais, je pourrais jouer les roublards, les sniffeurs de vent, les grands malades, mais il y a dix raisons comme des lois divines qui sortent de la bouche écarquillée de Dieu pour ne pas. Tu ne m'intéresses pas, je refuse de te blesser et je sais que j'ai la foudre qui me court sur les phalanges,malgré moi, je suis né avec elle on s'habitue soi à l'électrique stimulation, à être un orgasme vivant mais frigide dans les bras des connes, parce que tu es chiante, chiante comme une naturaliste qui décrira sans fièvre le tissu froissé de sa vie, parce qu'encore ton cul ne m'intéresse pas assez pour que je bande trois cent kilomètres. Ce pays de neige qui nous sépare loin de l'autre. J'ai décidé de tout savoir faire avec du verbe, et je le sais, je peux faire chanter un clocher qui soulève sa musique dans de la poussière d'or, de la poussière sableuse, du temps qui tourbillonne et raconte des époques, traverse des images. Et les morts se lèvent. Tu sais, dans la tête, c'est les portes du pénitencier, qui s'ouvrent, et s'échappent cent malfrats la haine qui leur fait au visage comme de la petite vérole, cent mille petits trous, et on dirait des poètes mes bandits, je sais à peu près tout raconter. Et je ne veux pas te nier, t'es déjà presque disparue, placardée sur les murs fragiles, irisée, et ta figure se tient au bord du néant, comme une crète d'agonisant, pas tout à fait, alors je peux t'aimer un peu, dans le sort des insignifiances, dans ce sortilège des vides, de la magie du matin qui coule par petites embardées, comme des saccades de pluie et de neige qui volent et dansent. Tu sais quoi ? J'ai même pas envie de te baiser. Enfin, si, mais pas plus que celle que j'allonge trois fois par semaine, trois semaines par mois, sous les trois angles de son corps. Parce que tu sais, moi, j'ai un appareil photo au pubis, je suis comme ça, je prends sous toutes les vues, et je suis plein de rouages, mécanismes, de physique et d'optique dans le déclic, j'ai des boutons sur les nerfs, et il faut les saisir, tout plein d'extase, de peurs, de chaleur qu'il faut activer sur la pudeur, régler la focale, sucer la lentille et je vois flou de naissance. Et la vitesse, tu sais, la vitesse, elle est folle dans ma tête, elle court, elle transbahute, c'est la foudre, ma vitesse. Méfie toi toujours de la rage qui devient envie. Alors je suis ça, et je te prends, je les prends sous tous les angles avec mes yeux flous, et je sais tout faire et ça m'effraie tout, créer tout construire. Je peux parler de la lumière là qui se couche dans tes yeux, de ce crépuscule électrique des lampions qui hésitent, qui s'endorment, de la modernité qui elle aussi a ses heures, son matin, son soir, et même un zénith je crois. L'électrique extase aux doigts d'argent. Tu vois ? Je crois que tu me manques là, Wendy, qu'en t'écrivant, ça me rejaillit, et que je donnerai bien ma bouche pour la tienne, que j'aimerais tes bras autour de mon corps. J'ai froid, j'ai toujours eu froid, et tu sais je crois, combien mon corps, mes doigts, que j'enfonce dans les sexes féminins pour la chaleur de l'excitation, sont gelés. Et c'est dur, alors ça te fera trembler, et tu voudras un jour, et je voudrai un jour, on aura quarante ans et du néant dans les poches, poches trouées. Et t'aimeras un type et les séquelles de nous, e tu diras comme ça, que t'es amoureuse, mais t'auras quarante ans alors tu feras comme si, en te souvenant de tes dix-sept et de moi. On fera comment ? Un jour je t'appelle, un jour tu m'appelles et on se retrouve au milieu du monde, on fera des cartes mystérieuses, des recoins secrets et on l'appellera "nos corps", ce sera un fil mince mais tendu, de mon vice à ton vice, et on s'attachera les sens, on fera du bondage d'émotions. Tu fermes les yeux, quand tu me lis ? Et là, ils battent comment ? C'est quoi la régularité ? Tu sais à quoi ils me font penser, tes yeux ? A des blocs de lumière emprisonnés dans un cristal pâle. Dedans y a assez de peinture pour faire un nouveau déluge, pour tout submerger les phrases, les peurs, les haines, dehors, mais voilà tout est capturé dans la vue, c'est comme une pierre qui enterre l'épée sacrée : Excalibur, y a de la puissance endormie, et tu l'enterres dans le bruit, ton rocher c'est la poix des bocks. QUand tu auras trente ans aussi tu diras "le bruit commence à m'ennuyer", parce que tu sais l'odeur de la suie, et la beauté du silence, on peut en faire des tableaux du silence. Mais oublie pas c'est le lit des égoïsmes, et on s'y couchera dans ce lit, et on l'appellera solitude alors, on se mettra à genoux, enfin toi surtout, -c'est la place de la femme- et puis on priera. J'aurai le corps toujours maigre, avec des trésors dessus, et toi, le tien toujours comme un parfum pleine de volupté, le ventre gorgé de couleurs, de toiles, et les perles de ton dépit pour attacher ta taille à ton corps, pour ne pas qu'elle s'en aille ta taille. Et on se reverra, et tu le sais, et ça t'emmerde là tout de suite, de savoir que y aura ma bouche qui te fera gémir un peu, pas trop, de savoir que t'es tous les instruments de mon imagination, et la flûte, pour la bouche et le piano pour les doigts. Femme orchestre que je t'appelle. Tu vois, je te veux, sans te vouloir, parce que je suis loin du pays de fièvre, là où on truque les mots, où on leur donne des visages d'habitude, des traits d'inquiets qui rappellent des souvenirs. Je sais que je pourrais te faire m'aimer, y a toute une liste d'ingrédients, un lexique qu'on l'appelle, pour faire le philtre, mais je fais pas, je marche à côté de la route, tu reviendras dans mes bras, comme la pluie finit par tomber au milieu du désert, comme on voit soudain rejaillir l'eau de l'oasis tarie. Et un jour tu seras à Paris, et on aura une chambre d'aube et de pourpre, avec des haillons de lumière aux volets, et la nuit on s'aimera et le jour encore, puis tu t'évaporeras, et on s'en voudra, on fera des morsures à nos mollets parce qu'à te baiser quelques fois, à te faire l'amour beaucoup d'autres, je t'ai mis mon foutre d'extrême violence aux organes qui s'accroche à l'âme, et je suis désolé, c'est un peu moi, pas trop, qui incube en toi, mais j'ai des vertus dans tous mes liquides et alors je pleure pas t'imagines tout ce que je pourrais contaminer avec des larmes ? Tout ce qu'il y a de maladie en moi. Et puis je saigne pas, ça fait pourrir la terre je crois. Là, je veux que tu m'aimes, très fort, et très directement, qu'on se voit vite, et qu'on ne s'haïsse pas, qu'il y ait la place pour la coalescence de la violence et de la tendresse, et tout ça en rimes pauvres, c'est comme mon clavier conclavant. Je suis de la misère, tu le sais, jec rois, je peux truquer si tu veux, te faire trembler de loin avec des mots, vêtir un habit avec un long manteau qui habille tes cauchemars -mon nouveau manteau m'arrive plusbas que les genoux-, et puis même un masque pour bien te faire trembler, pour bien t'arracher à tous les bras amoureux de l'Univers. Tu sais Wendy, un seul de mes doigts, et je ne parle pas d'agilité, de sexualité, de bestialité, d'animalité, vaut toutes les mains réunies en ronde de l'humanité, qui serrent, tous les bras ne valent pas mes haines. Un seul de mes doigts, et c'st comme ça, je marche avec du souffle, et Bruxelles, c'est loin, et je bande pas assez pour que ça frappe à Saint-Gilles, et Saint-Gilles c'es tmonpatron, des estropiés, alors je le découpe lui aussi, pour former des images, pour te filer une farandole de baisers de loin, et d'oubli un peu. T'es pas encore dans la procession des oubliées, des abandonnées, celles que je traverse, et qui n'encombre pas ma marche, toi tu es dans mes pensées, dans ma mélancolie, je t'ai fait une place au chaud dans mes lignes, et si tu fais attention, juste un peu sous la ponctuation, tu verras que y en a une dansmes yeux, pas longtemps, parce que j'oublie, je chasse. Tu vois, je m'embourgeoise, je chasse, j'ai un habit vert, et je peux dire "Je suis mort" et j'ai la force de t'aimer. Pas longtemps, et c'est heureux, parce que tu m'aimes encore mais pas longtemps.On fonctionne pareil. On entend alors le tic-tac du crocodile, qui vient heurter le bois sec du bateau, on l'entend qui agite ses secondes agonisantes, comme une trotteuse, avec le calme méthodique de la mort. Il attend, en bas, sous la proue écaillée, qu'on descende se laver les sens, tu entends aussi ? J'ai déjà perdu mon ombre dix fois, et dix fois tu ne l'as pas recousue.
Si je suis seul, c'est que je ne me crois pas de futur, c'est que je me
forge un destin, qu'il n'y a pas assez de place, dans un destin pour
accueillir une autre solitude que la mienne, le destin ça se forge à
dix doigts, des pas mutilés, des entiers, des longs qui découpent la
nuit, l'avenir, le passé, qui mêlent, qui mélangent, qui font tomber
sur des dos animaux vos mains, vos doigts, vos caresses, comme la
frondaison. Le destin, mon destin, que je me rêve, que je me forge me
jaillit des doigts, je ne le comprends pas, mais je le sens en moi qui
s'arque, me blesse, et fais couler sa lumière. Je le sens comme une
caresse qui voile les blessures d'un dos nu, qui habille l'impudeur
d'un baume délicat, je sens le destin me couvrir, me REcouvrir d'une
cuirasse trempée dans les baisers saints d'un amour du passé. Aux
destinés, tous les amours sont perdus, toutes les fleurs fanées, toutes
les couronnes rouillées, il n'y a pas de futur, pas de rêve, il y a une
conquête, il y a du sang, des larmes, du feu, on sent les chaumières
aux toits de paille fumer, et on sent toutes les brindilles des vivants
s'enfoncer dans la peau des quelconques. Je n'ai pas de place, entre
mes bras trop maigres, pour serrer plus que mon destin, ce destin au
visage d'impressions, ce destin, aux reins de feu, parfois aux yeux
bleus. A la détresse immense. Mon destin, naufrageur, allume sur les
récifs des feux de joie, pour jeter tous les veules, tous les fuyards,
tous ceux qui vivent en écarquillant la peur, contre ses dents
d'aciers. Et moi ça me repaît, ça me fait des repas de gémissements, ça
me fait des prières, comme celles que je fais quand je caresse le
destin. Que mes deux mains disjointes s'abattent, mutuelles,
parallèles, contre la colonne vertèbrale, qu'elles s'égarent sur les
vertèbres.
Mon destin, est solitaire, il marche la nuit très tôt. Et il murmure
comme ça "les chiens vont en meute", et on les reconnait, avec des
matraques dans la poche, avec des accents sans paroles au larynx, on
les reconnait au bruit que font leur bottes quand elles frottent contre
le crépuscule. On les reconnait toujours, les chiens, qu'ils soient en
bleus, ou en kaki.
J'ai un destin, qui n'a de place que pour moi, qui dans l'étroitesse de
son véhicule, rejette tout bagage, tout souvenir, et n'accorde de sens
qu'à l'oeuvre, qu'à la création, ce sac, au noeud défait, d'où
s'échappent des vipères qui me mordent, qui me remuent dedans. J'ai un
destin, un destin, comme un souffle dans un poumon plein d'eau, un
destin, comme l'éducation d'un immigré, comme la rage d'avoir eu honte,
et comme la honte d'avoir été lâche. Oui, dans mon destin il n'y a que
moi, moi et mon reflet de Narcisse défiguré. On s'entend pas mal, on
prend de la place, nous avec nos ailes et nos briquets, il n'y a pas de
place, même pour la plus petite des petites, ni pour l'amitié, ni pour
l'amour. Il n'y a de la place que pour mes égoïsmes.
Et les poèmes me cernent de leurs rimes. Je sens, dans mon être qui s'écarquille, les pieds nus des partirs, des yeux pâles. Je sens dans les brisures qui se forment en nous, et où s'assemblent les notes de nos ressemblances, le bleu de toi. Quand je me lève la nuit que je frôle la solitude, je sens comme une amour morte qui finit sa nuit dans l'ombre de tes cris. Je sens tous les souvenirs brassés et puis brisés, ramassés et tenus dans des torches qui assèchent le jour. Je sens mille souvenirs qui s'habituent aux chemins sombres de tes silences, qui y mettent des parterres de ronces et de lierre pour dire qu'il est tard dans la vie. Que novembre est passé, qu'aimer ne s'entend qu'au temps des feuilles mortes qui craquent comme l'automne sous tes bottines. Quand, je me lève la nuit, pour écrire, c'est à toi que je pense. Toi. Anne, qui commence l'abécédaire de mes névroses. C'est toi. Et si les putes vident les couilles, les muses vident l'encrier.
Je balaie le ciel, de ces rages que tu éteins. C'est un feu rouge et des fumées blanches que tu draines, que tu respires et qui t'étouffes, que tu tousses et qui rejaillissent en océan, quand les sept couleurs de tes larmes les font couler sur tes lèvres. Je parle, de toi, et je te donne des noms je te dis "tu es la peur, Anne, tu es la peur avec son visage blême et sa bouche fendue par l'horreur" je parle de toi à des étrangers, à ceux qui dans la rue portent des chapeaux pour se croire couronnés. Je parle de toi, et je te donne des noms, je dis, "c'est une fille qui vivait dans un poème d'Hölderlin et qui ne le sait pas, qui a des yeux un peu nazis, un peu sévères, dont on sent qu'ils font plier les genoux du temps -je les entends craquer, quand je me balance sur ma chaise-, qui ont toute la douleur juvénile". Et quand ils battent, tes yeux, c'est le vent qui mélange l'azur, c'est le vent qui prend tous le cyan que je vomis, tous les bleus que je sens remuer en moi quand la nuit se fait silencieuse, quand la nuit, je lèche mes doigts pour voir des formes étranges, des figures géométriques s'enfoncer dans les murs. Je sais, que le frémissement palpébral est léger comme un souffle qui s'abreuve de toi, qui se nourrit de toi. Alors, Anne, tu abrites des fantômes, comme ça ? Qui te déforme les rires ? Et je sais, je sais que tes yeux humilient le ciel des soirs d'orage.
Je veux voir le balancement de la lanterne des veilles d'hiver, l'hécatombe de la lumière, je veux la voir qui tombe, qui chute de son nid comme un oiseau chétif qu'on abandonne sur des berges mortes, je veux que des foules drapées de noir me poignardent et que de la plaie empoisonnée coule la lave qui me ravage et me désespère. Je suis passionnant, parce que je suis passionné à en être mille fois blessé d'immorAlité, à m'assembler aux filles dans mes déchirures, à coucher dans des draps toujours en loques. Je porte des frusques, "des HAILLONS de lumière" que je dis, pour cacher ma misère, alors je vais en blanc, en bleu, je vais comme un drapeau sur lequel on écrase les cerises des chansons, les pas mûres, les vertes cerises où les amoureux n'ont plus la tête qui tourne. Je veux du délire, de la musique, que les mots n'arrêtent pas, que les mots se rentrent dedans, copulent, s'arrachent des substantifs malades et m'encombrent les doigts, et dégoulinent le placenta du dictionnaire, que je dégante la littérature, que je lui ôte le velours pour froisser le verbe fragile qui entre mes doigts malingres apprends à casser. Ca doit continuer, comme un cri, comme un poumon qu'on vide, comme un souffle qui renverse des pays. Anne, je lui ai dit, moi avec ses yeux j'aurai déjà un empire soumis à mes ravages, qui aurait de frontières des flammes bariolées, des colorées comme si un arsenal avait pris feu. Je veux, que ça continue, que l'écriture m'habite, qu'elle me hante, que je sois sa chose, je veux devenir une femme contre sa puissance, que je sente toute sa virilité me traverser, me renverser, me dévorer ENCORE. Et Anne, je t'écarte, je t'évacue, je t'arrache les yeux, j'ai déjà dit quand la Terre pleine de colère avait pris mon corps pour engendrer ses immondes, qu'à tous les yeux bleus du monde, j'arracherai les globes pour violer les orbites, pour enfoncer dans l'ancienne beauté mon sexe tout ruisselant de ma PASSION, de mes majuscules. Je veux être ivre par le mot, qu'il m'assomme, que la littérature m'essore au dessus de ses vices. Je suis une somme d'articulations, d'épithètes et de liaisons, une masse de plaies complexes et subordonnées d'où s'extrait le langage. Sur mon front blanc ruisselle et se morfondent les poisons solitaires. Je suis de ceux qui ne peuvent faire que semblant, qui fréquentent mais ne se mélangent pas. Je suis HETEROGENE. Le monde est minuscule. Je suis brisé. Je suis né brisé.
Avant de mourir j'avais relu tes mots pour me donner du courage. Pour en extraire le poison essentiel. Pour en avaler la magie infernale. Avant de mourir, j'ai relu tes mots qui commençaient ainsi "Je n'ai plus aucun respect pour toi" et qui finissaient dans un espoir de terre et de cimetière.
J'ai souvent pensé aux cimetières et à ce qu'ils pouvaient entretenir de joie. Je me suis imaginé une prostituée qui se tenait près des endeuillés et toussait un peu plus fort que leurs gémissements. Je me suis imaginé des veufs qui avaient un chagrin à déposer par saccades, qu'il ne suffisait plus de larmes pour fluides, pour expulser la meurtrissure du dedans.
Je me suis demandé si papa pleurerait moins fort que les talons qui butent sur le vice et l'angoisse.
Je me suis demandé ça tandis que je mourrais.
Tu n'as plus peur la nuit parce que tu y reposes avec des joues pleines de couleurs. Les miennes avaient blêmi ce jour là, blêmi devant l'horreur qui se soulevait de moi, blêmi sous la voix étrange et maléfique qui heurtait mes tympans intérieurs. J'étais devenu un corps entier à l'intérieur de mon propre corps, un homoncule de sens, de nerfs et de douleur remuant dans moi.
Le plus grand reproche que l'on peut faire à mon existence c'est d'avoir une trop haute idée des choses ou plutôt de leur croire toujours une noblesse nécessaire, une inspiration soudaine qui remplacerait le sang. Tout désir doit être majesté, et sans lui il n'est qu'instinct et donc vulgarité. S'il n'est qu'expression, s'il est sans faculté, alors il ressemblerait à un corps inerte, à un squelette de salle de classe qui ne tient que grâce à la ficelle qui le suspend. Il faut des muscles au désir et à l'envie ; il faut une grâce au geste.
Je t'ai déjà écrit que j'aime tant la beauté du geste que je me fiche de sa conséquence, que de voir son mouvement s'épanouir et fleurir dans le jour, se départir du corps qui l'enfante suffit à ma joie. Il est ainsi des mains d'assassin que le meurtre a brûlé et dont j'oublie qu'il est de meurtre, ce geste, qu'il est une fin, un chaos en lui-même, j'oublie même de la paume ses linéaments noircis par la flamme, j'oublie la chair dissoute par le crime. Je ne vois rien de l'infirmité que pose la morale sur les poignets du condamné, je ne vois que des bracelets qui brillent au soleil, je ne vois rien d'autre qu'une parure et même une noblesse, une sorte de chevalière. Je ne vois pas ce poids qui les leste, de leurs dos courbés par la loi se croquent des pays, des ébauches d'endroits, et la promesse de voyages en des endroits "poivrés et détrempés". Un monde de poèmes.
Je t'aime toi, dans la cruauté dont tu m'as étourdi, et j'aurais mieux aimé qu'il n'y ait que des tendresses, que loin là bas, l'horizon s'enfonce mollement dans la mer. Ca ne se fait pas, de voir un horizon qui soit un ruisseau, il est une cascade que la pierre tranche. C'est ce qui s'est passé, ça a coulé de tant de couleurs Wendy.
J'ai accouché de la mort et personne ne le sait, j'ai accouché dans des draps blancs, dans les mains d'un médecin, j'ai accouché par la bouche et j'ai vomi l'âme dans ces endroits. J'ai trébuché dans la mort, j'ai courbé la tête, j'ai visité des salles interdites, je me suis enfoncé dans un noir qui est plus noir que la nuit des forêts, j'y ai marché des heures à la recherche de la lumière de l'évasion. J'ai marché dans mon propre décès, j'ai parcouru les sentiers de ronces, j'ai cherché les fourrés d'orties pour que la lumière de mes sangs éclairent la mort, je me suis jeté contre des silex pour les voir frémir de feu.
Je n'ai rien vu, et pourtant je suis mort et tu m'as tué. Tu m'as tué deux jours durant, et deux jours j'ai erré, je croyais qu'il fallait descendre pour venir te chercher. J'ai parlé au diable qui ne te connaissait pas, j'ai parlé à des flaques de lave qui t'avaient vu, croyaient-elles, danser sur les roches en fusion qui sont leurs yeux. J'ai vu des épines frémir à l'idée de ton nom, et murmurer qu'elles sont tes cils, qu'elles en ont accroché tant des hommes sans figure, tant des femmes sans corps, qu'elles en ont vu tant passer, qu'elle n'avaient plus assez de pointes pour les compter.
Je suis descendu si bas, si bas, que je ne croyais pas l'Univers si profond, et qu'à chaque pas, qu'à chaque marche j'en découvrais mille de plus qui tourbillonnaient vers l'infini et y faisaient un nouveau précipice. Qu'à chaque mètre parcourue ce que je croyais être la ténèbre me semblait un ciel lumineux, la nuit réinventait le crépuscule.
J'ai cherché, fouillé, gratté fabriqué avec la terre meuble des clochers pour espérer faire sonner l'angélus et le voir ramener le jour.
J'ai vécu mort.
Tu auras le cœur retroussé comme la manche sur le bras du forçat, il aura des marques de cuivre et des traces de souffrance. Tu auras le cœur tétanisé comme le muscle brusqué par l'effort, et tous tes amours, tous tes hommes et toutes tes femmes à adorer seront un ailleurs, une sorte d'indistinct paysage que tu verras au loin. En te retournant, dans le pas léger des petites filles tu verras marcher vers toi ta jeunesse et sa couleur d'opale, tu verras dans le lointain des corps qui seront des dunes de la même manière que dans un désert pleine d'eau miraculeuse et ta soif même sera un mirage, et ton appétit une impression, et des pièges marécageux. Tu pourras boire à la bouche de ces passants au corps de majesté, et ton corps s'emplira du sable des mirages. Tu te seras désaltérée de poussières.
Je connais des femmes qui ne connaissent pas d’hommes. Qui sont irriguées, disent les astres, par des solitudes viriles. Des solitudes aux mains de musc, le matin. Qui, aux premières aurores, disparaissent comme des étoiles perdues dans un jour naïf. Je connais des femmes qui ont faim par tant de bouche que l’écume ruisselle de leurs ventres, je connais des femmes qui psalmodient des prénoms d’hommes entre deux pendaisons à leurs nerfs, de plaisirs. Je sais des femmes aux yeux mesquins, où ont dormi des corps de nuit et de meurtre, qui se sont couchés là, expirant des crimes dans les creux du sommeil, qui ont mis des boues dans les fioles de la bonté que la rosée transpire.
Je sais, des marins, qui viennent percer les mers et les putains aux baisers malsains. Je sais des marins, qui ont vidé les océans des maladies qui verdissaient le ciel.
Ils sont venus, et ils ont dit « nous avons écrasé de nos torses fiers, gonflés de rhum et de grippe les sacrilèges du ciel, cueilli des touffes d’enfer rayonnantes et baiser les fronts charmants des princesses infernales ».
J’ai su les femmes aux chants émus qui ratissaient les villes de leurs gestes en cherchant sur le rire d’un enfant, le visage d’un amour. J’ai su des femmes qui avaient les yeux gorgés de batailles, tant de batailles qui avaient bu toutes les joies, que leurs rires fondaient en des sucreries de sable.
J’ai vu leurs cris tremblants dans le jour comme un soleil d’hiver leur sortir du corps et tomber en une grêle de lumière. J’ai vu ces femmes aux corps vains, qu’elles exigeaient d’un marbre musical, se fendre les muscles et dire entre elle « Je suis la Vénus de Milo, et mon âme est brisée ». J’ai vu des hommes qui au soir, laissaient trainer un chant de vigueur sur les grèves des gorges, et des cantiques monter des brèches de l’enfer, vu les pauvres gavés de misère et d’humiliation, arrondir leurs bouches en des cris souillés de huit-mille soumissions.
Vu des filles aux yeux bleus infiltrer l’espoir dans le cœur de ceux qui ne croyaient plus, des filles aux yeux bleus qui se déshabillaient en chemin. Ces filles devenaient légères du poids d’une éducation qu’on excise, d’une retenue qu’on digère, légères de l’air chaud de l’excès qui chassait l’air froid des tendresses.
Il me souvient Hannah et son journal de misère « il faut écrire pour ne pas disparaître », il me souvient de Marie qui mourait pleine d’horreur, couverte de vengeance, dans mes bras.
J’ai vu, des pays où la mer glisse et roule des cigarettes grises comme une âme.
J’ai vu mes haines s’arracher d’un poème, tout surpris d’avoir accouché d’un monstre aux yeux de vin. Vu des villes qui n’existaient, et visité des corps qui n’existent plus. J’ai parcouru les géographies du sensible, j’ai eu soif sur la peau de désert de F., j’ai eu froid dans les yeux de décembre de Wendy, j’ai pleuré dans le mensonge que mâchait Marion, j’ai ri de ceux-là qui pliaient Margot comme du papier journal et j’ai joui dans les mains étroites d’H, ses seins ronds comme des yeux et ses hanches sans audace.
J’ai vu tout ce qui se cache derrière la vitre du jour, vu les hommes qui aiment d’autres hommes se parfumer de secret en se dérobant aux ongles du jour, senti leurs haleines mortes de hontes vieilles. Vu, mon corps aux sueurs féminines d’avoir déshonoré toute la nuit les filles de Foi. J’ai su que l’école usait la vertu mieux que les femmes quand le murmure de la nuit, remuait les secondes comme de la terre fébrile.
J’ai vu, les sots poser sur d’autres sots des trophées gorgés de pouvoir et vu des femmes défaire leurs corsets trop serrés pour donner au mal le droit de respirer, vu leurs ventres radieux s’exposer aux brûlures de doigts avides. J’ai connu des femmes qui n’avaient plus que des ciels pour toit, des ciels vidés de dieu, où se perdaient les échos des plaintes et des souhaits, ils montaient comme des fontaines avant de redescendre, inertes et usés, résonnant aux sols comme la défaite.
Dans le ventre d’une mère il y a neuf mois de désespoir qui iront piller l’enfance. J’ai vu tant de choses dans mes nuits d’orgueil, au milieu des reins des pouilleuses, mettant au bagne les galantes et m’inclinant le corps entier aux veines de porcelaine.
Il y a des cheveux blonds, au matin, qui percent de l’angoisse, raclent d’une voix de tuberculeux, et viennent exciter mes humeurs, ils se baladent en longs fils de lin pleuvent des musiques polychromes sur mon torse blanchi d’aube. Je les entends qui secouent des personnages d’imaginaires aux pointes de cordelettes souples comme des doigts d’enfant. Il y a des cheveux blonds qui promènent dans mes matins des marionnettes de songe, rembourrés de cauchemar.
J’ai vu la mer glacée se retirer des pays chauds et envahir les terres moisies de la mort. Vu la mer glacée couvrir les sonnets arides de Boileau qui a bu tout sec les océans et sa bouche réclamait encore des ivresses.
Vu, l’aigle de Meaux planter ses serres dans l’Histoire et Napoléon le mettre dans une cage de fer qu’on appelait concordat.
Vu, tous les bavardages de l’Histoire qui suit le temps en se moquant de lui dans le son des trompettes de victoire et lui dire, entre deux baisers de princes réconciliés, « Le temps est à l’Histoire, ce que le langage est à la littérature : son esclave ».
L’Histoire en liesse couvre de pétales de neige, de fleurs de sel et de myrrhe des fils innocents. Elle ceint les fronts de baisers merveilleux, et ils dansent, les fils innocents, ils dansent étourdis de liesse.
Tandis que l’almanach déchire ses pages aux prénoms multiples. Les amours durent un jour.
Quelle chance tu as. D’avoir un corps si ample qu’il peut accueillir autant des détresses masculines, féminines qui dans le monde se tendent au bout des pleurs. D’avoir un corps qui a le poumon si grand qu’il a bu à tous les airs des gorges expirées. D’avoir tant de matière que tu as dansé sur toutes les scènes que sont les autres corps. Je le dis sans ironie, sans moquerie. Je le dis sérieusement. C’est un bonheur que je ne me sais pas. Partout si je me palple plutôt qu’un corps je me trouve une névrose, une idée, un drame. Ce que je mets à l’expérience des autres, au péril du regard étranger, de la caresse amicale qui prolonge trop loin les yeux des filles que je chéris, c’est une déraison. Une masse de nerfs lourde. Je me dis, me voilà, moi mais je n’apparais pas, je suis ainsi que ce « corps sans organe ». Si je ne suis pas catholique de n’y croire pas, dans cette absence, une chose coupable, l’héritage sacrilège d’un péché primordial, je ne me sais pas un corps comme le tien, à l’autre bout du sacré –et toujours sacré, j’insiste, je ne moralise pas- entre les deux, dans l’amplitude du corps supplicié et du corps jouissant, et du corps jouissant et du corps supplicié confondu, je ne me trouve pas. Voilà une cosmogonie sans ma planète, je ne me cherche rien de plus qu’à peine de lumière pour avoir chaud dans le noir, pour y voir rouler les cheveux des belles, à peine de terre friable pour y écrire ce grand cri que sans corps je ne peux pas pousser.
Mon corps, souvent, de le sentir en tant qu’il est une absence, en tant qu’il ne m’appartient pas plus que mon extérieur, s’efface. J’oublie de manger, de dormir et de baiser. Je peux avoir les belles formes du repas de noces, ou la nocée elle-même, que mon corps absent au monde, absorbé par des figures qu’on ne voit pas ici et qui pourtant ont de grands yeux farouches, des dents qui quand elles se rencontrent chantent un « la » grave et qui, étreintes de peur, peuvent faire monter de dedans la mâchoire des fugues belles comme le dernier verre du condamné à mort, délaisse. Je peux avoir toutes les tentations du monde et n’y pouvoir succomber de ne les deviner que sous l’entrave de toute cette mystique poétique.
A la négation de mon corps, je me suis fait, avec des anonymes que je rencontre quand il est tard et que mon être a passé dans tous les chas de l’ivresse, un jeu idiot qui les insulte, si la raison leur vient. Si j’arrive avec mes reliquats d’attention à me glisser dans leurs vies. Si je franchis poliment le seuil de leur chez elles, plutôt que les embarrasser de baisers, plutôt que m’agiter dans la danse frénétique qui à la même heure se fait cent mille fois au moins dans Paris, je sors de ma poche de petits papillons adhésifs multicolores, et je les dépose sur le corps de cette promesse aux endroits du plaisir. Sur chacun de ces post-its je note le nom d’une action, là « baiser », là « toucher » là « mordiller » et de m’écrier, devant la stupeur qui la gagne, « c’est la poésie qui te fait l’amour cette nuit ». Oui, la poésie qui n’a pas de corps, qui flotte là dans son habit de fantôme, de rimes incertaines qui pendent au nadir de la nuit, qui balancent dans le vide de l’alexandrin s’il se faut des vers nationaux, bien réglés. Si l’amante sans corps de la nuit a le prénom de France. Demain, demain, je baiserai avec un sonnet.
Alors, oui, tu as de la chance, d’avoir le corps assez léger pour qu’il ne casse pas dans le monde, et assez dense pour qu’il y apparaisse, qu’autour de tes doigts les sexes se durcissent, que dans ta bouche ils dénouent leurs joies si minutieusement préparées pour s’éclore en lys blancs écrasés. Je t’envie, sincérement, de pouvoir faire de ton corps et le jeu, et la vie, et le sérieux, et de passer, selon l’éclairage, d’une voix à une autre, de pouvoir participer à tous les sortilèges du monde, grimper sur toutes les estrades, et t’écrier d’un corps unique « je suis multiple ». Quel bruit fait un corps qu’on piétine avec son propre corps ? J’ai déjà alourdi des pas aimants de larmes, j’ai déjà fait gonfler une poitrine tendrement éprise de cris horribles, mais ce n’était jamais par mon corps, que j’aimerais dire « mon scandale », c’était par mon absence, par cette mort permanente qui ne peut que tourmenter. Je porte bas mes cernes, j’ai des choses à cacher. Elles sont compliquées comme un maquis. J’ai le corps parfois réel, et s’il est réel je le crois sordide, le désir me complexe, et cette maladresse d’être, cette étrange façon de se comporter dans un autre corps que soi-même me pétrifie. A peine me consolé-je de trouver mon propre corps, que j’en apprends les complexes mécaniques que déjà je dois débrouiller dans un autre changé, exigeant. J’ai baisé mille fois, et ce fut toujours la même pitié. Je n’ai de virilité que mes rimes, c’est heureux, le corps ne m’humilie pas, et pour consoler la toute belle je lui raconte « ce n’est pas ma faute, je suis un enfant, je ne l’avais pas dit ».
Ma chambre est ainsi que moi, dénudée. J’envie ces gens là qui peuvent s’approprier un espace tangible et à travers lui posséder un autre corps, une autre silhouette, une émanation d’eux que voilà. Peut-être n’en est ce qu’une odeur, une impression, une rémanance, mais c’est quelque chose d’eux, quelque chose depuis le corps, qui a pris appui sur la chair humaine, mobile, mouvante, qui vient du mouvement des doigts, du tintement des mains. Tu as un corps et mille attributs pour ce corps.
Je n’ai que le rêve ; l’infini j’en ai fait le tour.
Diane, Charles, Anthony, comme il existe des enfants lunes, sont des êtres solaires : ils n'existent que parmi les volcans.
Je porte quelque part leurs brulures : comme un signe de baptême les jours que je suis Saint ; comme un stigmate les soirs que je triche aux jeux de l'amour...
Je l'ai déjà dit : la lumière peut me crever les yeux -et je la laisse faire- si d'abord elle m'a ébloui. Je suis une femme publique et la beauté me prend comme elle veut « tu peux tout me faire si d'abord tu me payes en sentiments. Mon plaisir est compris dans mon salaire »
Je veux me nourrir de tout ce qui vous a donné la couleur des alcools immaculés et des animaux imminents. Donnez moi à dévorer vos vies, vos cartilages, tous les fluides de vos peurs. Je veux tous vous habiller avec des blessures inventées, des angoisses ophidiennes, vous couvrir non pas de myrrhes comme tous les faux-messies des livres en papier-bible, mais de bouffés de MYTHES.
Je veux connaitre celui qui a marché toute la nuit, inquiet l'air de chercher partout sa montre -ou l'heure ce qui revient au même, parce qu'il croyait que c'était lui qui, par ses gestes brusques le soir, avait perdu le jour. Qu'il l'avait fait tomber de ses poches en courant très tard pour rentrer chez lui avant...il ne sait même plus avant quoi.
Les gens de cette espèce, avec des cheveux fins comme l'espoir -bleu et gris comme lui, que je connais parfois et que j'oublie très souvent, je les espère atteindre la transparence. Non pas la transparence commune, banale des morts, mais celle naïve des vivants, à travers laquelle on déchiffrerait des os plein de chansons et des veines empoisonnées par la mousse des siècles qu'ils ne savent pas avoir connu, et mieux que connu, engendré.
Je veux tous les boire. Vous boire. Parce que c'est vous que j'aime, vous qui m'affamez.
Je veux connaitre cette nuit douloureuse et informelle contre laquelle on me met en garde et d'où N. semble l'évadé ou bien l'envoyé. Je n'ai jamais su distinguer entre deux inutiles : séparer l'uniforme du bagnard de celui du soldat. Ce sont les mêmes forçats (un trousseau de clé ne fait pas la liberté, elle ne désigne rien).
Je veux savoir pourquoi certaines paupières ont pris la geste des saules
Donnez moi tout ce qui a fait vos tremblements, vos spasmes, vos psaumes.
Toi tes yeux de corail séché et d’émeraudes immobiles
Toi ta peau où le vent et le soleil se superposent comme pour fabriquer un instant de ciel
Toi qui sait te mettre en colère d'une façon que je croyais le privilège du sable
Racontez moi ma peur du noir
Les longs cheveux du rire et sa pulpe
Donnez moi le jus de vos soupirs, la racine trempée de vos crises, tous les bégaiements de la mer qui un jour font la marée et un autre les dents écorchés des fous. J'ai tellement besoin de toutes vos existences non pas pour les bien ranger dans une bibliothèque modèle mais pour les lancer dans ma nuit pour vous donner plus qu'un éclat : une odeur et l'apparence de la Grande Ourse.
Vos cheveux s'il viennent dans ma vie, j'en fais des plumes impérissables, des flèches mystiques et une ivresse primitive.
L'automne ne les fera pas tomber ni l'hiver ou l'argent blanchir.
C'est ainsi qu'on me donnerait vraiment sa vie, pas par le sacrifice inutile et démodé de ses gestes et de son sang mais par le legs de sa mémoire et de tout son répertoire.
Quand je vous vois et que je vous connais. Quand vous devenez de la race des immortels je me dis « quel beau pays ce serait le livre où vous vivriez tous. Un peuple aux reflets d'olives et de neige »
Oh, je nous donnerai un hymne : le bruit d'une serrure à l'instant qu'on la brise, du feu qui prend en fin, un autodafé. Tous les grands acouphènes de l'espoir ! Pour langage, nous aurions le chant, et qu'importe les paroles ! C'est par le rythme et la mélodie que nous nous comprendrions. Les muets parleraient par le bois qui grince, les portes qu'on ouvre. ce serait un pays fait de portes toujours à ouvrir. Qui n'existeraient que pour cette destinée là « être ouverte et chanter ».
Nous serons comme des aveugles, il fera jour pour toujours.
Nos tombes seront le chant d'espèces animales éteintes.
Je suis tout l'inverse du peintre. Pour vous représenter j'ai besoin de vous observer mouvants, toujours changés, jamais figés. Un portrait c'est forcément un tourbillon, une contraction, un pouls. Les peintres, les sculpteurs fabriquent dans leurs religions des paralytiques et des gisants. Moi je veux un pays de forcenés, d'agités, de déments. Et si à l'étranger de nos frontières, si les douaniers, l'appellent asile. Alors. Tant mieux. C'est un joli titre « Asylum ».
On m'a dit «vous avez un grave problème»
« c’est ainsi que naissent les écrivains»
(étrange sage-femme)
Et j'ai entendu ma raison se fissurer dans un fracas d'épave.
«Epouvantable»
Sensation du silence plus grave que le silence même. Silence de ce qui bouge habituellement : pensées, joies, «ouf ce n’est que toi», soleil levant, «tu m’as fait peur», lune dévorée sans un bruit, digérée sans un rot. Disparue où ? «Dors s'il te plaît il est tard, c’est une nuit sans lune.»
Silence fort. Silence noir. La nuit a eu peur de ce noir-là. N’en a pas voulu.
«Jamais ?»
Jamais.
«Même pas pour ses assassins chéris ?»
Même pas pour ses assassins fétiches.
«Ah tu dis fétiche»
«Vous avez un grave problème, elle voulait dire peut-être «tu dis fétiche, quand chéri ressemble mieux au monde qu’il faut»
Oui, j’ai un grave problème. Je ne sens plus le monde comme il faut. Comme on me dit qu’il faudrait le voir, monde soumis, réduit en quarante-deux verbes du premier groupe tous synonymes d’obéissance.
«D’un adjectif ?»
D’un adjectif insomniaque et corrompu.
«Ce n’est pas souvent que tu préfères un verbe, quarante deux même, à un adjectif»
Malgré tout plus formidable que le plus soigné des verbes. Parce que voilà le problème des verbes, ils sont soignés.
Puis.
Voilà. J’arrive avec mon aveu. avec peut-être ce qu’avec votre raison bien habillée, aux cheveux propres, à la peau qui sent bon le sommeil, vous jetterez dans ce charnier là, où en a mis des tas avant moi : la folie.
«Charnier ? Tu es sûr ? Débarras plus tôt, débarras c’est plus gentil, c’est pas définitif, c’est peut-être à plus tard»
Charnier.
J’arrive. Avec ma vérité condamnée.
Impression que le monde est fait d’Echos. Que tous vous êtes des Echos. Pas des ombres des Echos, des réverbérations, des restes.
«Sans autre existence ?»
Dont la seule existence que je peux constater avec mes instruments de fou -yeux, mains, ongles, nez, oreilles- est cet Echo.
Je vois ce qui est demeuré un instant suspendu après l'action, après tout ce qui a été décisif, j’arrive après qu’on a replié sa parole comme une tente et on campe ailleurs.
«Qui parle ?»
...
«Echo, pourquoi Echo ?»
Echo voix qui lutte contre le silence avant de s'abimer plus vite encore dans le rien. Et laisse ce rien énorme, effrayant, mortel peut-être. Mortel, certainement.
«Parce que soudain tu as cru qu’il pouvait y avoir quelque chose pour toujours, que tu as espéré avec cette voix plusieurs fois répétée, tu as guetté la chanson que tu connais par coeur, trois fois la, je crois, et c’est comme ça que le mot joie dans ta bouche s’orthographie, c’est facile. Tu n’as pas fait attention au murmure le frère arrogant du silence, parce que lui il a une voix, une voix d’éteignoir»
« Qui cette fois ?»
...
J’ai cru pouvoir être «parmi» les corps. «Avec» les gens. Mais. Je suis en retard. Je suis au milieu des Echos.
«A contretemps ?»
Non, pas à contretemps.
«Sans à propos ?»
Non, pas sans à propos.
«En retard ?»
En retard.
«Tu l’avais déjà dit»
Echos des êtres, quand le corps a déjà porté ailleurs -dans plusieurs ailleurs- son destin -magnifique, coupable, ordinaire, misérable, mais son destin à lui. Vêtements sans corps. Vêtements abandonnés. Je cherche une odeur. Quelque chose de vivant.
«Tu as des échos»
Les échos témoignent de ce qui a vécu, pas de ce qui vit encore, à l’instant, dans la seconde imminente et dangereuse.
elle est passée
«Des tas de voix étranges»
Corps hors de ma réalité sensible.
«De la réalité visible ?»
De ma réalité vitale.
Loin. Les corps sont fabriqués loin de leurs voix. De ce qu’il en reste. Partis. Enfuis. Dans le pays des corps.
«Ombres ?»
Ne dites pas ombre. Je ne veux pas dire ombre.
« L'ombre c'est le corps dilué dans beaucoup de nuit, des nuits empilés à l’infini»
«Hé !»
Ombre, corps schématique, corps interminable, corps immortel. Le secret des ombres...
«Ne le dis pas.»
Echos. Voilà ma vérité quand il ne reste que ce lointain mirage de l'être. Je vis en différé...
«L’expression est laide».
Je vis outre-réalité
«C’est mieux»
Écho. Presque aussi réel que la voix. Consistante, troublante comme elle, lui ressemblant.
«Jumelle ?»
Même pas cousine.
Échos. Reflets passés. Images tardives. Photographies. Tatouage éphémère.
«Mais il faut beaucoup d’eau pour effacer ce genre de tatouages»
Personne ne semble entendre, c’est l’averse, l’averse depuis le premier jour, l’averse sur tout ce qui est liquide.
«Tu aurais du dire déluge, c’est évident que tout est déjà liquide»
Pays de larmes.
«Tu es niais»
Larmes, joli maquillage des femmes
«Tu es troublant»
Écho. Pellicule oubliée au soleil. Presque perdue.
«Pellicule brûlée ?» Bientôt brûlée
(où est ce putain de film) Voilà. Brûlée maintenant.
(Merde la pellicule a brulé)
«Tu avais raison»
J’ai déjà vu le film
«Tu n’es pas drôle»
Echos sans cesse relevés par d’autres Echos. Des Echos neufs et pâles.
«Echo c’est la voix quand elle est devenue folle, elle se répète malade, sénile, elle ne sait pas qu’elle se répète, elle croit toujours inventer, elle cherche des témoins avant sa spectaculaire combustion, et elle ne le sait pas la pauvre qu'elle va mourir elle ne le sait pas, et les rochers des falaises, les insectes aveugles des grottes, les poissons affamés portent dans l’air, dans l’eau, dans le minuscule le faix de sa déraison, testament atroce»
Echo des corps.
Échos. Epais comme la voix réelle et pourtant venue après elle.
«Cachée dans son secret ?»
Tapie dans sa Mort.
Echo, voix peut-être des fantômes ponctuels. Corps. Déjà disparus. Disparus vraiment, plus seulement échappé à mon pouvoir d’aveugle, mais échappé de celui de la vie.
Echo, voix déjà épuisée, corps étranglé.
Voix en vérité enfuie, déjà chargée d'autres paroles.
«Comment tu le sais ?»
Ce n’est pas maintenant que je le sais, c’est plus tard. J'entends ce pas de marée, une marée hautaine.
«Maintenant ?»
Maintenant.
Matin sur La Manche. Echos recouvert de silence. Corps, lointains, probablement échoués dans la brume. Habillés, bleu du ciel, main tombant sur les Hanches.
Écho des corps, des gestes, signes frais de disparus récents. Peut-être vivants, peut-être pas encore fantômes. Traces à remonter.
«Tu les traques ?»
que je remonte. Trouvant plus de pas plus d'échos, échos mêlés aux échos, superposition d'échos. Conversations anachroniques. Secondes, minutes, siècles entremêlées. Fantômes se saluant.
Ces échos qui ne peuvent être des ombres. Cette folie intime.
Il y a longtemps.
Mes gestes, mon impatience, ma frénésie et cette façon de dire « je t'aime » presque pour se venger. Voilà, à quoi l'a réduite mon geste, un objet brisé, un souvenir J'aimerais que tout le monde comprenne, tous ces gens là dont je sens l'haleine de spectateurs et les yeux sales, tous ceux-là que je reconnais et qui n'ont pu empêcher le rire de borner leurs lèvres. Je veux la croiser pour un vertige de pleutre c'est vrai, pour un précipice en trompe-l’œil mais je n'espère rien d'autre que la croiser, si la folie devait lui percer les tympans, si la démence devait lui animer la bouche et que, rompue de délire, trompée par un cœur devenu malade, elle s'écriait « je t'aime » moi du même pas je la fuirai, ma main gesticulerait du même au-revoir qu'aujourd'hui et peut-être même moins victorieusement exécuté.
Si l'on me demandait "qu'a-t-elle de plus que les autres ?"
Je répondrais "son absence".
Tous les parfums l'esquissent. Je reconnais là un octave de sa voix, là une déclinaison de son soupir, je reconnais une mèche de ses cheveux dans le soleil marié à mes yeux. Je marche pour oublier, et plus je marche plus je m'éloigne du danger. Et de la vie ? Et de la vie
Je suis un lâche. Mais je refuse sa présence, je refuse le mépris de la vie, et le délire de la voir jetée contre moi. Et pour quoi faire ? J'aime son absence, je n'aime que ça. La voir déformée par son exactitude, réformée par la laideur précise de son théorème de voix, de cheveux, de centimètres et de poids.
Seulement...
Il manquera toujours, à cet adieu, à la plénitude de cet adieu, un baiser, une caresse, la moindre tendresse muette, toujours suspendue entre nous, mais jamais consentie, toujours retenue et finalement...gardée. Je suis trop plein d'un baiser ; celui que je te dois.
Ma tragédie débute si Aragon écrit «Elsa entre dans le poème», et salaud, Aragon, le dit.
Libre, Elsa glisse et danse du poème au réel ; inchangée dans l’encre ou dans l’amour.
Mais toi du poème la gisante, toi sa prisonnière, toi engendrée dans lui, nourrie par lui. Toi à y pouvoir fleurir sans périr, toi. Ailes immobiles dans la volière. Toi captive semblable au regard sous tes paupières repliées -anémones paniquées sur l'infini.
Nous sommes de la même vérité, du même ciel. Mais le mien, sombre et glacé, cauchemar de janvier, plane, vautour lugubre ; mais le tien, doux juillet des chansons, bleu de l’amour brûle et pleure, l’Univers lui tient la main et les rossignols déraisonnent.
Le tutoiement de mes «je t’aime», t’entoure de ses doigts malades, dessine une ombre qui n’est pas l’ombre connue de ta chair mortelle et désirable et méprisable et aimée. Ce tutoiement, c’est toi mêlée de ma démence, toi fusionnée de rime et de chagrin, toi victorieuse de mon amour à moi.
Tu montes en moi, vacarme des marées, tu grimpes en moi, lierre assoiffé, tu prends au drame toutes les couleurs du mystère, voilà ton visage, arc-en-ciel de déraison.
Mais si l’on m’annonçait ta mort demain ? J’y serais aussi indifférent qu’à ta vie réelle, ta vie fragile, ta vie insignifiante si je ne t'aime pas.
Dans mon existence intime, par chaque frémissement de mes tortures sensibles, tu deviens métamorphose des parfaits : la terre, le feu, le ciel, l’amour, et toi-même.
Je te sais depuis ton commencement, je t’ai faite de toute éternité ; soupirs et buées.
J’ai pleuré à toutes tes naissances, à toutes tes blessures, à tous tes rires et à toutes tes fatigues. Je connais le goût de sueur de ta nuit. Ombre inexacte mastiquée par la lune, repue de soleil, trempée de lumière, tu vis en moi veillée des vertiges, première fois du regret.
Tu meurs en moi chaque jour. Tu prends toutes les formes imaginables, lumineuses et lugubres.
Je sais le spectacle face au miroir, tous les matins, quand tu croises ton image ce reflet grandiose et insensé de lumière.
J'ai fui tant de bras qui faisaient si mal quitter la nuit, qui ne menaient que médiocrement au jour. Tous les amours se désagrègent dans le concept de leurs voix, cheveux, odeur. Je déteste ces amoureuses dont le coeur est pareil à ce mortier dont on fait les théorèmes Quand tu trouves le théorème d'une amoureuse toujours il faut partir.
Il me souvient
Tes doigts dans les songes
La peau douce
Etrangement parfumée
Tu sentais
Le rêve
Le pin brûlé
Ou bien
Toi-même, l’amour
(l’odeur de l’herbe blessée par
l’été affamé)
Tu sentais
Cette odeur perdue
Qui n’est pas l’odeur
Des lundis
Ni le son
Métallique
Du dimanche
Ou les ongles
Cassés
vernis
Il me souvient
Tes cheveux renversés,
immobiles
Dans le songe
Etait-ce alentour de toi (partout
autour)
L’eau d’une noyade (?)
La mer d’Avril
La sueur transparente
Des amants (beaucoup)
Ma main captive
Des algues
Mes doigts au réveil
Remuant
Douloureux
Sur ta peau bru-
nie (saveur réglisse
La nuit)
Ta peau
Bru-
lée
(tendrement)
Par les baisers
Le soleil chaud humide
Dans la bouche
Le miroitement
Des dents
Les cent-douze blessures
De l’amour
Mais nulle part le couteau
De l’amour
Le sexe honteux
La peau tue
Le café froid
Les apparences
De la mort
Cousin
Au cinquantième
degré
Tu dors encore, longtemps après moi
Tu bouges dans le lit en murmurant «pitié»
Toute la nuit l’horreur oubliée te remonte
Comme de la vase
De l’eau croupie
Le marécage de ton âme /
Refermées tes paupières sont bleues
Et belles
Comme la nuit trempée
Humide
De rosée
Tu as l’une des treize couleurs
Du sommeil
Quand tu dors
Mais que je ne dors plus
L’urine de la nuit empèse ton murmure
Elle vient sur tes lèvres dans un mouvement
De chatte
Et tu es tout son territoire
Gouttière
Chaton
Fauteuil
Tu es
Le peu importe
de mes poèmes
Le vertige parfois prend des chemins inattendus.
Un visage inconnu la nuit
Des mains glacées sur un miroir
Trois phrases sans verbe
(J'écris pour dire un étrange ailleurs, la promenade des mots à travers un Golgotha imaginaire tout est croix et nuit ; je parle longtemps avant de parvenir enfin hors de l'eau, du reflet, de l'image fragile mais quand enfin parvenu à la surface des choses quand enfin la brume se dissipe voilà le soleil suant comme un silex entré dans
Un cœur amoureux-le premier crime passionnel)
Et entre nous tu dis
Il y a toute une époque et un pays entier de neige alors je réponds
Nous pourrons donner des mondes à voir (plus jeune j'eus dit des enfers mais on change son goût à force de vin et de drogue je crois ; on se plait soudain dans le ciel peuplé d'orage et les éclairs intacts entrent dans les yeux)
Tout prend alors un parfum d'enfant de neuf ans
Ce n'est plus la chair le sang le foutre
Mais
La nuit l'angoisse le feu
Il n'y a pas d'âge pour avoir faim d'infini
C'est tout ce qui m'importe au fond
Que dans ta bouche luisent ces dents là
De diamant
De louve en chaleur
Des dents qui déchirent la réalité et laissent
Dans le jour
Une plaie profonde malade un soleil en chantier
Un crépuscule peut être je cherche ceci
Dix huit ans c'est joli ça sent
Mon dieu je cherche dans mes cheveux cette odeur là et par miracle je la retrouve
sous les ongles
Quand la nuit parfois et bien on fait ceci cela jusqu'au murmure au cri
C'est encore le vin la drogue on dit merci et une autre fois peut être
Puis on crache
On est libre.
Alors
Alors et bien je ne sais comment on peut vivre comme j'écris moi
Il faut fuir les hurlements
Les démangeaisons des fous des loups (dans l'asile un jour je vis un de ces fauves au pelage ras aux yeux mortels vêtus d'une camisole ; et qui peut dire s'il s'agissait de l'hallucination d'un dément ou de la vision d'un loup alliené)
Il me souvient
Tes doigts dans les songes
La peau douce
Etrangement parfumée
Tu sentais
Le rêve
Le pin brûlé
Ou bien
Toi-même, l'amour
(l'odeur de l'herbe blessée par
l'été affamé)
Tu sentais
Cette odeur perdue
Qui n'est pas l'odeur
Des lundis
Ni le son
Métallique
Du dimanche
Ou les ongles
Cassés
vernis
Il me souvient
Tes cheveux renversés,
immobiles
Dans le songe
Etait-ce alentour de toi (partout
autour)
L'eau d'une noyade (?)
La mer d'Avril
La sueur transparente
Des amants (beaucoup)
Ma main captive
Des algues
Mes doigts au réveil
Remuant
Douloureux
Sur ta peau bru-
nie (saveur réglisse
La nuit)
Ta peau
Bru-
lée
(tendrement)
Par les baisers
Le soleil chaud humide
Dans la bouche
Le miroitement
Des dents
Les cent-douze blessures
De l'amour
Mais nulle part le couteau
De l'amour
Le sexe honteux
La peau tue
Le café froid
Les apparences
De la mort
Cousin
Au cinquantième
degré
Tu dors encore, longtemps après moi
Tu bouges dans le lit en murmurant «pitié»
Toute la nuit l'horreur oubliée te remonte
Comme de la vase
De l'eau croupie
Le marécage de ton âme /
Refermées tes paupières sont bleues
Et belles
Comme la nuit trempée
Humide
De rosée
Tu as l'une des treize couleurs
Du sommeil
Quand tu dors
Mais que je ne dors plus
L'urine de la nuit empèse ton murmure
Elle vient sur tes lèvres dans un mouvement
De chatte
Et tu es tout son territoire
Gouttière
Chaton
Fauteuil
Tu es
Le peu importe
de mes poèmes
Pourquoi la vérité
Personalité saccagée dans mon présent
Je
Défiguré au dedans
Soleil d'épilepsie pas lumiere fumante
contrefaçon.
Je veux manger des pommes-frites
avec de la sauce tomate liquide
Un jour on me servait c'était
en l'an d'il y a deux jours
Une sauce tomate
et ses morceaux
J'avais commandé en vers et sûrement me comprenait-on de travers à cause de la forme bizarre qu'ont les vers et cette façon de prendre une place au milieu d'une page comme si c'était ton père qui payait le papier. Maintenant je fais des précisions en prose pour être sûr d'être compris comme une femme belle. On comprend toujours des choses très profondes des gorges des femmes et n'ayez pas l'esprit mal tourné je fais de la prose c'est sérieux comme un vittel-menthe à une terrasse de café.
Mais il manque au drapeau encore le blanc le rouge et les armes royales :
On visitera nouveau-chateau
et ses vieux manoirs
incendiées du vent
d'Est.
Strasbourg ça sent la tarte flambée
il y a un château d'eau pour
le contraste poétique
je crois que c'est
rue du Roi-
Espérant.
C'est un poème infirme un sale bâtard écrit sur un ordinateur américain
et qui ne sait pas tuer le père mais je pisse sur la tombe de Freud
ça soulage je vous jure quand on a envie de pisser après
trois bières et une pute françaises
A Vincennes il y a des filles de
joie qui ont leur papier et
des capotes neuves.
J'aime bien le français engendreur d'élision parce que
c'est fabriquer du rien à partir de quelque chose comme
un peu la vie c'est très métaphorique je crois et peut-être
en fera-t-on une religion avec des dieux des symboles et après
un poète viendra il aura les yeux bleus et les mains abimées surtout
de les avoir frottées entre elles très fort pour faire du feu jamais
ne surgit la moindre image de ce mouvement répété comme
s'il était un de ces poètes qui traînent leur mal dans
une lassitude ordinaire imaginant toujours
qu'un je ne sais quoi à eux seuls
achèverait mon poème
Lui voulait avec des mots inutiles tracer la rose espérance la rose d'amour la rose toujours la rose et le lys délaissé ici partout fleurit
une jungle de lys dans l'herbe bleublancrouge.Je veux manger des pommes-frites
avec de la sauce tomate liquide
Un jour on me servait c'était
en l'an d'il y a deux jours
Une sauce tomate
avec morceaux
J'avais commandé en vers et sûrement me comprenait-on de travers à cause de la forme bizarre qu'ont les vers et cette façon de prendre une place au milieu d'une page comme si c'était ton père qui payait le papier. Maintenant je fais des précisions en prose pour être sûr d'être compris comme une femme belle. On comprend toujours des choses très profondes des gorges des femmes et n'ayez pas l'esprit mal tourné je fais de la prose c'est sérieux comme un vittel-menthe à une terrasse de café.
Mais il manque au drapeau encore le blanc le rouge et les armes royales :
On visitera nouveau-chateau
et ses vieux manoirs
incendiées du vent
d'Est.
Strasbourg ça sent la tarte flambée
il y a un château d'eau pour
le contraste poétique
je crois que c'est
rue du Roi-
Espérant.
C'est un poème infirme un sale bâtard écrit sur un ordinateur américain
et qui ne sait pas tuer le père mais je pisse sur la tombe de Freud
ça soulage je vous jure quand on a envie de pisser après
trois bières et une pute françaises
A Vincennes il y a des filles de
joie qui ont leur papier et
des capotes neuves.
J'aime bien le français engendreur d'élision parce que
c'est fabriquer du rien à partir de quelque chose comme
un peu la vie c'est très métaphorique je crois et peut-être
en fera-t-on une religion avec des dieux des symboles et après
un poète viendra il aura les yeux bleus et les mains abimées surtout
de les avoir frottées entre elles très fort pour faire du feu jamais
ne surgit la moindre image de ce mouvement répété comme
s'il était un de ces poètes qui traînent leur mal dans
une lassitude ordinaire imaginant toujours
qu'un je ne sais quoi à eux seuls
achèverait mon poème
Lui voulait avec des mots inutiles tracer la rose espérance la rose d'amour la rose toujours la rose et le lys délaissé ici partout fleurit
une jungle de lys dans l'herbe bleublancrouge.
Joseph K. pour une nuit
ou Ma NUIT EN PRISON BORDEL DE MERDE
Cellule 262, Canne épée
Jeudi-vendredi
Chanson triste
Hier,
tandis que j'allai mon chemin retrouver un foulard en soie pure
avec au bras toute l'élégance du monde
sculptée au pommeau de ma canne
une voiture de police surgit
le premier agent de police, portant un bouc
(ce qui est délit dans mon code pénal mental)
m'interroge sur ma canne
je l'avoue, oui, elle contient une épée non affutée
Le bouc, sourit, s'exclame dans son langage incompréhensible
(langage de celui qui perd le langage
abrégé de la parole son expression à lui)
j'y discerne "comico" comme une direction et comme une sentence
(langage contracté "I'm don't" art d'élision
on en parlera à Maurice Scève)
la négociation, ce n'est pas possible, je n'ai pas appris
le langage des imbéciles
j'imagine, qu'on me fera la leçon
que je ne déchoirai pas davantage de mon titre de citoyen
(limite, flottaison)
C'était l'acte I, la situation initiale, la présentation des personnages principaux, mais la tragédie ni la nuit n'avaient commencé
Immobile sur un banc
routine idiote
tes empreintes
ta profession
pourquoi
comment
où est or ni car
dans mon livret de CM2
puis soudain
la nouvelle marque d'infamie
à côté de ton identité à toi
identité joyeuse souvent (au désespoir d'Eric Zemmour)
identité de buveur dans les bars, d'amoureux,
identité du vivant que je croyais être
mais soudain gardé à vue
réduit jusqu'à ce nom
là et la disposition
pénale de.
soudain toi,
tu t'imagines
la police avec son doigt
grossier
son doigt même qui porte un bouc
te désignant, toi,
tu rejoins une grande cohorte
de gens hirsutes mal coiffés
tu l'étais, c'est vrai, le peigne
tu ne t'en sers que pour rire
désormais, gardé à vue
en joug on dirait
Fusil des L-etc
le discours un peu moralisant
"c'est pas bien
les " quand même"
les "oh"
sympathie
(j'ai des chaussures bleues,
un pantalon blanc
manquait la chemise rouge
j'étais la france, on ne met pas la france
aux arrets)
tantôt
mais tout de même
"monsieur vous êtes en garde à vue"
n'oublie pas
"je porte l'uniforme"
toi tu es "soupçonné d'avoir commis
ou de t'apprêter à commettre une infraction"
on est encore monsieur, malgré
la marque infamante
chance dans le malheur
les autres non
"tu
ta gueule
assieds toi
je m'en bats les steaks"
langage de policier rapporté
au mot près
(drôle de choses aussi la familiarité
presque complice entre les détenus habituels
ceux qui viennent "au poste" comme toi
citoyen ordinaire au supermarché
tu n'as pas honte, d'ailleurs ordinaire,
rends toi vivant
vole, aime un peu trop fort
pas ordinaire
tout sauf ce mot là
pire condamnation)
le rapport de police blablabla
"ça n'ira pas pisser loin"
blablablabla
je n'écoute plus il y a longtemps
les mots du machisme banal
les ambitions rétrécies
chant afghan dans la cellule d'à côté
très beau chant mélancolie
probablement
Du Bellay de là-bas
un peu de beauté
sous la couverture
à l'odeur d'urine
Acte 3 : Déféré
Le policier arrive, un autre, prolifèrent ici
mauvaise herbe trouve toujours chemin
de sa profusion
combien en aurai-je vu
pour ce si peu pénal
pour cette trop grande grâce
ce mauvais goût, le droit
que c'était le bon goût du dandy
cet air professionnel de la beauté et du luxe
"monsieur vous êtes déféré, vous savez ce que ça veut dire ?"
(il le dit avec un air désolé,
gardant son assurance
de policier
mais vacille de la bouche
je vois ça qui tremble
l'incompréhension de cette décision
à ce moment là nous la subissons
ensemble
solidarité imprévue)
et je savais, mais je n'imaginais pas la suite, la suite pour moi
la normale, celle conséquence -juridiquement conséquence-de ce mot là
c'est être amené devant le procureur, éventuellement l'audience, le jugement
(oui pour ça, jugé, vous imaginez pour ça jugé
un juge dans son hermine son beau marteau
les coups pour ceci)
parce que ma canne épée entre temps subit mêmes avaries que moi-je-citoyen-etc
de canne épée sculptée elle devint ARME DISSIMULEE DE CATEGORIE D2
et lorsque l'on lit ça on craint immédiatement pour sa vie
à soi et celle de sa patrie
on veut l'objet et son détenteur dans une cage solide
on veut le garder plus loin que ça de soi de nous
il subvertit l'ordre public
louche une arme déjà
mais dissimulée
pire encore
dissimulée pour quoi
quelles attaques
ce malfrat là
et ce D2 enfin plus menaçant qu'une armée en déroute
déchéance commune
belle histoire d'amour
mêmes sommets ; mêmes abimes.
On te lit tes droits
en réalité on te les indique
sur un procès-verbal
et tu apprends le lisant
à combien tu renonças sans même
en entendre la mention ni les décliner
tu te dis à toi-même de plus en plus
ces droits là ce sont ceux qui te restent
tu as déchu, vraiment.
Et continue la chute, on n'imaginait pas dans son existence juridique tant de degrés
vers le bas
(Hadès, bonjour)
ou seulement degrés théoriques, aussi abstraits que l'infinité de l'Univers
mais soudain l'on descend les marches
on avance dans cette obscurité là, elle est pour soi, elle vous saisit
(ne reste que ça)
vous déclinez avec elle
les menottes, premières menottes
"c'est autant pour vous que pour nous, imaginez un geste brusque"
catéchisme de policier
bête comme tous les catéchismes
marque d'infamie, encore
ACTE 4 : LA CELLULE
Où l'on se rend compte, soudain, plus vivement encore que tantôt des micro-sanctions dissimulées tout le long de la chaîne pénale
cet enfermement que je vous raconterai plus inique que tout
Discipline du corps
discipline de l'esprit
(corps rendu malade
esprit fou
loin de la philosophie
de la Grèce
au secours la cigüe)
on te redresse, puni au cas où
puni préventivement
pour te garder de la bienveillance
du juge tout à l'heure si juge il y a haha
On dilate le temps, tout se fait dans une glue étirée lentement, à chaque requête d'abord il faut attendre
c'est toujours
"plus tard"
puissent-t-ils répondre immédiatement
qu'ils repoussent
(pourtant)
vous n'avez pas l'heure
jamais l'heure
privation sensorielle d'un genre inconnu
monde réduit à trois dimensions
Ce procureur qui me déférant ne pouvait ignorer qu'au vu de la tardivité je dormirai en cellule pour
cette chose dérisoire
Moi, condamné, par sa faute à lui
à un jour de prison
qui ne figurera jamais
en ce terme là
de taule, de prison, d'enfermement
dans un procès verbal
ni dans quelconque verbe officiel
pour mon état
imaginez le boucher achetant ses couteaux de boucher dans le magasin des couteaux de boucher et sur le chemin le policier à bouc le surprend, lui demande ce qu'il tient dans ses mains
"des couteaux de boucher pour couper la viande de boucher" il répond
"on va au comico"
et la même déchéance
il perd sa profession pour gardé à vue-mis en cause-prévenu-la chute mais pas à pas
comme un plongeur
ses paliers ;
moi je suis dandy professionnel, qu'y puis je au fond ?
Cette condamnation
possible pour tous sur le caprice
d'un homme
moins qu'un homme
un procureur
sa
mauvaise journée
où jalousie
jeune et vivant lui aussi se rêvait
la main parée de si bel objet
on l'informe il va répondre et avant
de décider
dans l'écran de l'ordinateur il voit son reflet
son ventre qui déborde
vengeance
le pouvoir vous savez...
///
Tu laisses tes affaires au guichet,
un peu comme à la piscine mais surveillé par des policiers
la chance
on te conduit
cellule 262
2ème étage,
comme dans les hôtels on dirait
9m2 tout à toi J.
un matelas émincé
un metelas qui semble extrait d'un matelas principe
découpé en tranches ce matelas on en fait pour 4 détenus ; on rase pas gratis
3 cm le matelas, des toilettes à la turque la lumière qui ne s'éteint pas
jeudi c'est la fête
à paris
le week-end commence depuis longtemps
le jeudi
tout part
son lumière et tout le tralala
deephouse, cris la nuit de tes compagnons d'infortune
(comme dans les films :
celui qui proteste il ne sait plus pourquoi et tape des heures durant contre le plexi de sa cellule)
lutter contre le désespoir
lierre
ne pas fuir dans le sommeil
invente la beauté
récite les poèmes oubliés
au fond de ta mémoire
retrouve la beauté
Foucault, entre ici
(le panoptique changé
non pas point d'observation fixe
tout voir sans être vu
mais caméras disséminés dans les cellules
les coursives
et tableau où tout voir sans être vus
mais je t'imagine
avec ta vulgarité
derrière l'objectif
alors je te vois
mieux que tu ne me vois
je te vois dedans
et tu me vois dehors
bizarre le paradoxe
moi enfermé
toi libre)
Je pense au
procureur la nuit
dans les bras de sa femme
de sa maitresse
le lit pour de vrai
la douche le matin et le petit déjeuner
jus d'orange frais, pressés
moi 9m2, de l'eau sur le visage à 8h30 (j'ai demandé)
mais la nuit pour ne pas sombrer dans le néant du sommeil
la nuit
inventer autour de son espace
des meubles de discours
des tapis de pensée
la table basse de la rime
la peinture imaginaire
et c'était mieux que le plus
beau des musées
8h30
puis attendre
attendre encore
jusque 13h
que l'on vienne me tirer
de là
pour entendre l'incompréhension du délégué
du procureur
"tout le monde a assez perdu de temps dans cette histoire"
oui, par la bêtise double
on rencontre parfois la bêtise simple
un homme
interrompue par le suivant
dans la chaîne
mais ici
plus bête le second
le zèle
il en fit dans les temps de jadis
des bûchers cruels
bonjour
déchéance
je t'ai mordue fort ;
fruit amer
et acide
(pire complot des langues sensibles)
brûlure d'estomac
brûlure pour
les yeux
et l'institution froide et coupante
qui n'entend rien
il faudrait remplacer par des automates certains fonctionnaires de police
on se ferait moins d'espoir quant à leur éventuelle humanité
ou bien qu'ils nous le disent
en changeant les vêtements civils pour les vêtements professionnels qur
ils laissent
sensibilité, intelligence
tout ça au vestiaire
(et les blagues entendues
les blagues la vulgarité
toute la laideur du monde
ici bien rangée
à l'abri de tes yeux
toi qui crois encore
ne crois plus
comment disait il
mortel laisse ici toute espérance)
mais moi
cette nuit personne ne me la rendra
ni les livres que je n'ai pas lus
ni l'amour retenu
juste l'absurdité
ce texte trois fois rien
ma canne perdue
Joseph K. pour une nuit.
l a grandi l'incendie en toi
tu l'appelais du nom que tu pouvais
le lyrisme tu y crois encore au fond
comment se passer de son passé
ce qui te poursuivit presque toute la vie
15 ans la première fois le pantalon
vite enlevé tu te prends les pieds
dans l'ourlet tu ris pour t'excuser
Assez de ce temps là le lyrisme
au passé honteux tu as changé d'âge
arraché le foulard et la soie
FLEURS TA MERE
COEUR PEPERE
Rime pauvre
Bois ta honte
Tu prends le langage à rebrousse-poils. Cette fois ce sera (ce doit être) la bonne. Tu ne te laisseras pas avoir par tes sales manies cette façon de désinvolture comme si tu ne croyais à rien, nihiliste de pacotille, regarde toi les doigts crochus, avide de toutes choses. Tiens voilà que tu retrouves la ponctuation, Bastille remontée en un clin d'oeil. Tu n'es pas Beckett sinon pour le costume flottant ce vendredi de février, tu marchais où il marcha ; lui démontrant l'absurde de sa démarche saccadée...et toi pour rien, toi marchant seulement pour marcher, pauvre de toi. Ce que tu cherches maintenant c'est te déposséder de la langue maternelle te retrouver dans le froid polaire ; enfin atteindre cet anti-liquide amniotique, tu vas le trouver ce glacier.
Cette fois par la métamorphose (transubstantation tu n'oublies pas d'où tu viens les gaulois, la fille aînée de l'Eglise, Avignon ça vient bien de quelque part ce grommellement) de ta langue en toute la sagesse populaire. Proverbe, dictons, il te les faut tous. Tu mets un point pour débuter ton entreprise de démolition, l'apprentissage méticuleux de ce langage de province. Pierre angulaire, Par Toutatis et tu recommences tes invocations d'imbécile, ta barbe a trop poussé, ridicule à jouer encore l'adolescen, hé, regarde ta photographie c'était au photomaton du bus palladium tu n'as pas honte 2 Euros pour ça, c'est ça ta gueule.
Tu y arriveras si tu plonges les mains dans la crasse. Tu le sens bien ce quelque part cybernétique, cette désagrégation de plus en plus rapide, la puanteur qui monte mais plus la puanteur physique des choses dégradées, une puanteur venue du concept bouilli, l'obsolescence programmée : la barrette de RAM, le micro-processeur, les cristaux liquide ; tu le sens bien que c'est ici, par le milieu, que tu dois parvenir. Après le proverbe lentement approprié rentre dans ton siècle. Bouffe le ton siècle. Cette matière inorganique, ces minéraux forgés par la main d'homme. Potier l'ingénieur.
N'écoute pas l'autre tu n'es pas d'accord
Il peut dire ce qu'il veut avec ses médiations
Son langage performatif ce bruit de sirènes
Dans la langue Roland Barthes n'importe quoi
C'était ok dans/en 1993 ; 1994 si tu veux donner
à ta poésie un air d'année scolaire le lycée
1ère L allez je te fais cadeau de ça mais crois moi
On en a terminé avec tout ça, alea jaecta est
(et je reprends le dosage des formules en latin
ça ne change rien même banalité pleine de vérité)
Ne t'obstine pas, détache toi de ce qui te lie
Les morceaux inutilement éparpillés, bouts de miroir
Où ne traine aucun reflet abandonne ta putain d'image
A quoi ça sert de se voir du dehors ligne du nez d'accord
C'est bien tu as deux yeux des pommettes plutôt pas mal
la nuit quand la voiture de police à toute allure gyrophare
allumé te frôle presque le plus beau en marchant tête
basse vers où tu ne le diras jamais toujours tu reviens
c'est à croire qu'il n'y a rien nulle part rien à rapporter
un caillou tiens il a la forme primitive de je ne dirai pas
Abrège ton poème abrège tes leçons de morale
Suffisent tes maximes d'un village du fin fond
de la Bretagne jusqu'à La Bruyère quelques mètres
même pas Strasbourg
Nous te reprendrons où l'on t'aura laissé
vieux fauve on t'a dressé ouf le lyrisme éteint
il s'en fallut de peu que tu reprennes
silex vidé de ton feu ta gueule à jamais.
La tête roule ce matin
loin du corps
le coup de couteau frappe
à l'endroit
de la nuque
à peine plus haut
que l'épaule
Le coup de couteau.
De la main non-tremblante
perfore le ventre laisse voir
le repas ce midi les sucs
gastriques et la viande
non-digérée de la viande
Le ventre où gîsait le coeur,
soir d'amour l'âge des premières
naïvetés le soleil et les étoiles
avaient encore le sens des
baisers maladroits ta bouche
trop ouverte la langue qui
ne trouve pas sa place c'était
bien avant le premier livre
de philosophie sérieusement
étudié la tête pas encore
roulante
de la langue dans
la bouche
passer à Wittgenstein et au valium
substitué quel couple infernal
ces noms sauvages
Chante la couleur du soufre cette envie de porter hors de ta gorge le serpent sexuel au début de sa pleine mue / les parfums volatiles celui d'une femme sortie de la nuit les sous vêtements oubliés égarés quel lit cette nuit ou bien volontairement délaissés l'air décidé / la révolte commence par les plus petites choses par la faim deux jours sans manger le peuple gargouille grand ventre vide mains brutales
Ecrire d'accord mais cette fois ci comme il y a longtemps avant l'âge des philosophes avant la discursivité quand tu croyais tout savoir / écrire sans les yeux n'abime plus ton iris contre ces mots pixels idiotie se rappeler le moment de presque poésie avant le mutisme + avoir crié à vingt ans à cracher tout le feu d'un coup éruptif mauvaise l'imagination cet âge là tu penses à ces horribles vers des autres dans lesquels tu retrouves miroir brisé quasiment les tiens il y a cinq six ans ou bien tu as vieilli fané ou bien eux comme toi médiocre jeunesse / cette poésie là à place fixe sphinx immobile lieu touristique pour ses vingt ans ensuite on dépasse ce moment d'antiquité ce cours de sixième B / pourquoi le souvenir de ce temps d'avant où le cristal de roche valait bien le diamant et les amours d'un soir l'amour tout court
aujourd'hui tu n'accordes de prix à rien tu marches en guenilles boulevard de rochechouart sans rien chercher sans rien trouver plus de sex shops la ville change à toute allure le temps d'hésiter la devanture déjà transformée en McDonald's ou pire Starbucks café
(tu l'admets le Big Mac à 5 heures du matin te donne un orgasme honteux)
Je hais les Starbucks, la coolitude de ce moderne-vernis ; le nul à l'apparence du neuf : à peine sophistiquée la Ford T changée multipliée servie Latte ou Americano ou quelque nom horrible
ce métal bouillant je veux le verser par petites gouttes douloureuses sur quiconque franchit le seuil médiocre mais le poète demeure sur le plan du fantasme-du rêve, pauvre logis et dans l'ordre civil à peine protestataire maugréant contre tous les bruits de la ville le doigt d'honneur sept minutes trop tard sa révolte c'est son bulletin de vote tous les 5 ans pf ridicule au moins si le temps des martyrs pouvaient redébuter il y aurait un destin facile (façon meuble en kit) soi voilà la croix saint-sebastien réincarné et saura-t-il seulement la monter ?
Assez du tutoiement pourquoi m'adresserai-je à toi ma démarche incompréhensible le poème déginguandé ni tout à fait leçon de philosophie pamphlet manifeste ou départ du recueil /
quand commence le premier quand s'achève-t-il si je reprends demain le cours de cet éternuement ces grumeaux blancs-jaunes la morve forte sans odeur hélas
Pourra-t-on dire le poème un début une fin si le programme informatique réorganise à chaque F5 l'ordre du poème et le fait aléatoire renouvelé à l'infini
Mettre fin pour de bon à la linéarité du temps Einstein ce n'est pas pour les chiens.
Dépasser ce que l'on a fait jusqu'à aujourd'hui penser à Quentin Leclerc Ou guillaume Vissac (majuscule interverti) cesser de désespérer
Penser à #### (non-nommé se reconnaîtra s'il passe) chercher le Valium dans la trousse de toilette, pousser les comprimés de Xanax hors de la boite en tremblant non-lyriquement du tremblement véritable hérité de ta race colonisée ta race véritable/pas ta race forcée de sale Gaulois les tranchées Alésia ou Verdun match nul
J'ai redit "tu"
à force de Jean Genet la trahison deuxième peau tout arracher jusqu'au nerf et après le nerf jusqu'au muscle enfin l'os qui dit je te révèle dans ta nature calcaire pierre je suis pierre-poussière
Sophie Podolski me monte dans lqui la croit lyrique franchement l'imbécile c'est l'impossibilité d'écrire son aveu il faut bien la saisir s'en imprégner
badigeonné
oint pour ceux préférant les grands mots solaires (mais soleil imité soleil des photographes en studio)
atteindre par là-bas l'incapacité de dire
Arriver à Artaud en remontant ce fil des muets
des bégayants des analphabètes
Putain j'ai tellement mal au coeur
juste où le cou sort des
épaules