Joseph K. pour une nuit
ou Ma NUIT EN PRISON BORDEL DE MERDE
Cellule 262, Canne épée
Jeudi-vendredi
Chanson triste
Hier,
tandis que j'allai mon chemin retrouver un foulard en soie pure
avec au bras toute l'élégance du monde
sculptée au pommeau de ma canne
une voiture de police surgit
le premier agent de police, portant un bouc
(ce qui est délit dans mon code pénal mental)
m'interroge sur ma canne
je l'avoue, oui, elle contient une épée non affutée
Le bouc, sourit, s'exclame dans son langage incompréhensible
(langage de celui qui perd le langage
abrégé de la parole son expression à lui)
j'y discerne "comico" comme une direction et comme une sentence
(langage contracté "I'm don't" art d'élision
on en parlera à Maurice Scève)
la négociation, ce n'est pas possible, je n'ai pas appris
le langage des imbéciles
j'imagine, qu'on me fera la leçon
que je ne déchoirai pas davantage de mon titre de citoyen
(limite, flottaison)
C'était l'acte I, la situation initiale, la présentation des personnages principaux, mais la tragédie ni la nuit n'avaient commencé
Immobile sur un banc
routine idiote
tes empreintes
ta profession
pourquoi
comment
où est or ni car
dans mon livret de CM2
puis soudain
la nouvelle marque d'infamie
à côté de ton identité à toi
identité joyeuse souvent (au désespoir d'Eric Zemmour)
identité de buveur dans les bars, d'amoureux,
identité du vivant que je croyais être
mais soudain gardé à vue
réduit jusqu'à ce nom
là et la disposition
pénale de.
soudain toi,
tu t'imagines
la police avec son doigt
grossier
son doigt même qui porte un bouc
te désignant, toi,
tu rejoins une grande cohorte
de gens hirsutes mal coiffés
tu l'étais, c'est vrai, le peigne
tu ne t'en sers que pour rire
désormais, gardé à vue
en joug on dirait
Fusil des L-etc
le discours un peu moralisant
"c'est pas bien
les " quand même"
les "oh"
sympathie
(j'ai des chaussures bleues,
un pantalon blanc
manquait la chemise rouge
j'étais la france, on ne met pas la france
aux arrets)
tantôt
mais tout de même
"monsieur vous êtes en garde à vue"
n'oublie pas
"je porte l'uniforme"
toi tu es "soupçonné d'avoir commis
ou de t'apprêter à commettre une infraction"
on est encore monsieur, malgré
la marque infamante
chance dans le malheur
les autres non
"tu
ta gueule
assieds toi
je m'en bats les steaks"
langage de policier rapporté
au mot près
(drôle de choses aussi la familiarité
presque complice entre les détenus habituels
ceux qui viennent "au poste" comme toi
citoyen ordinaire au supermarché
tu n'as pas honte, d'ailleurs ordinaire,
rends toi vivant
vole, aime un peu trop fort
pas ordinaire
tout sauf ce mot là
pire condamnation)
le rapport de police blablabla
"ça n'ira pas pisser loin"
blablablabla
je n'écoute plus il y a longtemps
les mots du machisme banal
les ambitions rétrécies
chant afghan dans la cellule d'à côté
très beau chant mélancolie
probablement
Du Bellay de là-bas
un peu de beauté
sous la couverture
à l'odeur d'urine
Acte 3 : Déféré
Le policier arrive, un autre, prolifèrent ici
mauvaise herbe trouve toujours chemin
de sa profusion
combien en aurai-je vu
pour ce si peu pénal
pour cette trop grande grâce
ce mauvais goût, le droit
que c'était le bon goût du dandy
cet air professionnel de la beauté et du luxe
"monsieur vous êtes déféré, vous savez ce que ça veut dire ?"
(il le dit avec un air désolé,
gardant son assurance
de policier
mais vacille de la bouche
je vois ça qui tremble
l'incompréhension de cette décision
à ce moment là nous la subissons
ensemble
solidarité imprévue)
et je savais, mais je n'imaginais pas la suite, la suite pour moi
la normale, celle conséquence -juridiquement conséquence-de ce mot là
c'est être amené devant le procureur, éventuellement l'audience, le jugement
(oui pour ça, jugé, vous imaginez pour ça jugé
un juge dans son hermine son beau marteau
les coups pour ceci)
parce que ma canne épée entre temps subit mêmes avaries que moi-je-citoyen-etc
de canne épée sculptée elle devint ARME DISSIMULEE DE CATEGORIE D2
et lorsque l'on lit ça on craint immédiatement pour sa vie
à soi et celle de sa patrie
on veut l'objet et son détenteur dans une cage solide
on veut le garder plus loin que ça de soi de nous
il subvertit l'ordre public
louche une arme déjà
mais dissimulée
pire encore
dissimulée pour quoi
quelles attaques
ce malfrat là
et ce D2 enfin plus menaçant qu'une armée en déroute
déchéance commune
belle histoire d'amour
mêmes sommets ; mêmes abimes.
On te lit tes droits
en réalité on te les indique
sur un procès-verbal
et tu apprends le lisant
à combien tu renonças sans même
en entendre la mention ni les décliner
tu te dis à toi-même de plus en plus
ces droits là ce sont ceux qui te restent
tu as déchu, vraiment.
Et continue la chute, on n'imaginait pas dans son existence juridique tant de degrés
vers le bas
(Hadès, bonjour)
ou seulement degrés théoriques, aussi abstraits que l'infinité de l'Univers
mais soudain l'on descend les marches
on avance dans cette obscurité là, elle est pour soi, elle vous saisit
(ne reste que ça)
vous déclinez avec elle
les menottes, premières menottes
"c'est autant pour vous que pour nous, imaginez un geste brusque"
catéchisme de policier
bête comme tous les catéchismes
marque d'infamie, encore
ACTE 4 : LA CELLULE
Où l'on se rend compte, soudain, plus vivement encore que tantôt des micro-sanctions dissimulées tout le long de la chaîne pénale
cet enfermement que je vous raconterai plus inique que tout
Discipline du corps
discipline de l'esprit
(corps rendu malade
esprit fou
loin de la philosophie
de la Grèce
au secours la cigüe)
on te redresse, puni au cas où
puni préventivement
pour te garder de la bienveillance
du juge tout à l'heure si juge il y a haha
On dilate le temps, tout se fait dans une glue étirée lentement, à chaque requête d'abord il faut attendre
c'est toujours
"plus tard"
puissent-t-ils répondre immédiatement
qu'ils repoussent
(pourtant)
vous n'avez pas l'heure
jamais l'heure
privation sensorielle d'un genre inconnu
monde réduit à trois dimensions
Ce procureur qui me déférant ne pouvait ignorer qu'au vu de la tardivité je dormirai en cellule pour
cette chose dérisoire
Moi, condamné, par sa faute à lui
à un jour de prison
qui ne figurera jamais
en ce terme là
de taule, de prison, d'enfermement
dans un procès verbal
ni dans quelconque verbe officiel
pour mon état
imaginez le boucher achetant ses couteaux de boucher dans le magasin des couteaux de boucher et sur le chemin le policier à bouc le surprend, lui demande ce qu'il tient dans ses mains
"des couteaux de boucher pour couper la viande de boucher" il répond
"on va au comico"
et la même déchéance
il perd sa profession pour gardé à vue-mis en cause-prévenu-la chute mais pas à pas
comme un plongeur
ses paliers ;
moi je suis dandy professionnel, qu'y puis je au fond ?
Cette condamnation
possible pour tous sur le caprice
d'un homme
moins qu'un homme
un procureur
sa
mauvaise journée
où jalousie
jeune et vivant lui aussi se rêvait
la main parée de si bel objet
on l'informe il va répondre et avant
de décider
dans l'écran de l'ordinateur il voit son reflet
son ventre qui déborde
vengeance
le pouvoir vous savez...
///
Tu laisses tes affaires au guichet,
un peu comme à la piscine mais surveillé par des policiers
la chance
on te conduit
cellule 262
2ème étage,
comme dans les hôtels on dirait
9m2 tout à toi J.
un matelas émincé
un metelas qui semble extrait d'un matelas principe
découpé en tranches ce matelas on en fait pour 4 détenus ; on rase pas gratis
3 cm le matelas, des toilettes à la turque la lumière qui ne s'éteint pas
jeudi c'est la fête
à paris
le week-end commence depuis longtemps
le jeudi
tout part
son lumière et tout le tralala
deephouse, cris la nuit de tes compagnons d'infortune
(comme dans les films :
celui qui proteste il ne sait plus pourquoi et tape des heures durant contre le plexi de sa cellule)
lutter contre le désespoir
lierre
ne pas fuir dans le sommeil
invente la beauté
récite les poèmes oubliés
au fond de ta mémoire
retrouve la beauté
Foucault, entre ici
(le panoptique changé
non pas point d'observation fixe
tout voir sans être vu
mais caméras disséminés dans les cellules
les coursives
et tableau où tout voir sans être vus
mais je t'imagine
avec ta vulgarité
derrière l'objectif
alors je te vois
mieux que tu ne me vois
je te vois dedans
et tu me vois dehors
bizarre le paradoxe
moi enfermé
toi libre)
Je pense au
procureur la nuit
dans les bras de sa femme
de sa maitresse
le lit pour de vrai
la douche le matin et le petit déjeuner
jus d'orange frais, pressés
moi 9m2, de l'eau sur le visage à 8h30 (j'ai demandé)
mais la nuit pour ne pas sombrer dans le néant du sommeil
la nuit
inventer autour de son espace
des meubles de discours
des tapis de pensée
la table basse de la rime
la peinture imaginaire
et c'était mieux que le plus
beau des musées
8h30
puis attendre
attendre encore
jusque 13h
que l'on vienne me tirer
de là
pour entendre l'incompréhension du délégué
du procureur
"tout le monde a assez perdu de temps dans cette histoire"
oui, par la bêtise double
on rencontre parfois la bêtise simple
un homme
interrompue par le suivant
dans la chaîne
mais ici
plus bête le second
le zèle
il en fit dans les temps de jadis
des bûchers cruels
bonjour
déchéance
je t'ai mordue fort ;
fruit amer
et acide
(pire complot des langues sensibles)
brûlure d'estomac
brûlure pour
les yeux
et l'institution froide et coupante
qui n'entend rien
il faudrait remplacer par des automates certains fonctionnaires de police
on se ferait moins d'espoir quant à leur éventuelle humanité
ou bien qu'ils nous le disent
en changeant les vêtements civils pour les vêtements professionnels qur
ils laissent
sensibilité, intelligence
tout ça au vestiaire
(et les blagues entendues
les blagues la vulgarité
toute la laideur du monde
ici bien rangée
à l'abri de tes yeux
toi qui crois encore
ne crois plus
comment disait il
mortel laisse ici toute espérance)
mais moi
cette nuit personne ne me la rendra
ni les livres que je n'ai pas lus
ni l'amour retenu
juste l'absurdité
ce texte trois fois rien
ma canne perdue
Joseph K. pour une nuit.