Nous sommes, le plus souvent, jugés non à nos actes mais à l’apparence de ceux-ci. Pour compenser, à cause de ce que ma mienne apparence, c’est à dire mon attitude, aussi, mon air lorsque je discute d’évènements, de sensations, je mobiliser des éléments extérieurs et objectifs ou des témoins, de moralité ou non, ou, le plus souvent, archiviste maniaque, les échanges in extenso, que je peux avoir connu. In extenso pour éviter que, la partie adverse, ne prétende à une décontextualisation. Ici, je crois que souvent, c’est le plus tragique ces éléments, malgré leur indiscutabilité, ne suffisenr pas, les gens préfèrent se fonder sur leurs premières impressions et leurs préjugés. Cette phrase, odieuse, les preuves fatiguent la vérité, semble, depuis le départ de l’humanité, depuis le premier grognement devenu parole, depuis la réunion au coin du feu et les premiers récits mythologiques, en activité féroce sans connaître, jamais, de décrue. Ne dites pas la vérité, prononcez vous bien. Question de port et de réputation. Les deux, je les ignore.
Hier (déjà il y a deux semaines, textes toujours en stase), nous dînions à Meudon, chez G., avec Milana. G., critiquait, gentiment, Mehdi, d’une façon injuste parce que, lui aussi, Mehdi, concerné par ces apparences, souvent, qui ne le révèlent pas ou, du moins, pas au point que G. supposait. Il déplorait que Mehdi parlait de tout ce à quoi j’objectais qu’il ne discutait presque jamais de ce qu’il ne connaissait pas. Si G. a pu se créer cette représentation c’est que Mehdi, et je ne le juge pas comme un travers, mais comme une attitude au monde, prend souvent la parole d’autres, se réfère à d’autres. En ceci je veux dire que la sonorité de son propos pour qui a l’oreille fine - mais moins fine que le fin ne croit - tombe fausse parce que, justement, inapproprié.
Ce qui, contrairement à ce que Mehdi lui-même crût ne signifie pas qu’il ne dispose pas en propre d’une échelle de valeurs ou de convictions personnelles. Cette délégation lui évite des engagements superficiels mais, lorsqu’il les prend discursivement à son compte, leur donne l’accent du faux qui, je le disais à G., ne relève que d’un problème d’élocution pas de conviction.
Mon frère, à la soutenance de Mehdi, lui prétendit qu’il était, désormais, sous la domination de Louise après avoir été mon assujetti. Au-delà de ce que je n’emploie pas cette terminologie de domination, puisque je ne pense pas, de façon générale, en ces termes, à l’exception, peut-être, de conflits armés ce que, je crois, malgré les étendues et frontières intimes de chacun, ne concernent pas nos rapports amicaux et sociaux.
Or, dedans, il y a quelque chose de vrai. Que le mot, domination, occulte tout à fait — en dehors même de n’appartenir pas à ma pensée, que ces mots, produisent un réel étranger à mon propos — Mehdi, longtemps — ce qui la dernière fois que je le vis, au Sister Midnight ne se maintenait plus — ne parlait plus en je mais disait — et ici, encore, heureusement, des Témoins, Milana, d’une part, F. sinon, G., aussi, un soir sur les bords de Seine — Louise pense, Louise dit, Louise a dit. Ce que je ne pris jamais pour de la domination, par ailleurs, qui supposerait une volonté contrainte, un exercice, de la part de Louise, d’une force verticale appliquée à un Mehdi peureux, répétant, asservi.
Ce n’est pas le cas, c’est le rapport de Mehdi aux paroles auxquelles il adhère. Ce constat ne le nie pas, ce constat ne le diminuerait que s’il devait penser, absolument, comme trop — moi non exempt, m’en éloignant —que nous formions dans le monde des unités autonomes et indépendantes, sans admiration jamais, que toute admiration, même, dissolvait l’être contenu dans le JE (le je totalitaire), cette chose supposément la plus précieuse.
L’extrémisme de sa posture, alors, la rend agaçante, il est pénible de parler avec une tierce personne, absente qui plus est. Je déteste ceux qui convoquent une foule imaginaire ou rapportent des paroles prétendument dites au soutien de leur opinion. Comme il est insupportable qu’une rumeur nous soit rapportée tout le monde pense ça bidule a dit ceci.
Mehdi, n’agissait pas comme ça, il ne convoquait pas Louise comme autorité générale et régissante du monde entier, il confondait sa parole avec la sienne, je disais, hier, à Milana, qu’il semblait la convoquer comme les paroles rapportées du Christ, un évangile. Prendre mon agacement pour un jugement, voilà la triste erreur, ici, Mehdi, sujet, me permet de penser quelque chose qu’il illustre, l’exemple, c’est à dire la saillance dans le monde, me révèle un objet de réflexion. C’est parce que Mehdi le représente comme exagération qu’il m’intéresse ici sans que Mehdi, jamais, ne se réduise à cet aspect de lui que, plus encore, je comprends ce qui donne à ses paroles cette forme qui, justification de moi à moi encore de crainte d’être incompris tandis que compris je ne le serai pas, semble le dépourvoir d’agentivité. Or, ce n’est pas le cas. De façon plus ou moins claire nous sommes inspirés, agis, habités par d’autres sans que, d’ailleurs, ces autres n’exercent cette action (la mécompréhension encore, quand Yannis en parlait à Mehdi de ce qu’il composait — je suppose — une Louise gourou active et volontaire. Sottises.)
Si je poursuis, ici, cette réflexion, c’est qu’elle excède largement Mehdi, qui, par sa radicalité — la radicalité de Mehdi — quelque part, me permet d’explorer une forme d’être au monde, que, extérieur à lui, je n’aurais saisi qu’en surface.
Je me déplace en lui, mon exploration se situe sous le derme, expeauration.
sous-peau
ésie.
Ce phénomène migre à travers lui, carte où se déploie ces évènements, prélevés, carottés donc fantasmés, pensés et conçus comme tels.
De le déplacer ici, à travers lui, me permet de saisir, à moi, qui manque d’esprit de généralité —besoin de l’exemple pour découvrir la règle —le fonctionnement du monde. Mon cerveau, j’ignore pourquoi, paresse, ne s’active que lors d’une activité, d’un contexte. J’ai besoin de palpable, de chair, de tiers.
Lire son prénom est déplaisant parce qu’on se sent trahi, mutilé, déformé que je ne suis pas ça, que bien entendu, écrire à propos de quelqu’un c’est si peu parler de cette personne. Ecrire sur quelqu’un c’est, avant, tout déclarer cette personne intéressante, singulière, âpre. Si tout le monde, à un moment de son existence, peut, quelques lignes ou initiales apparaître, s’y maintenir révèle l’intérêt, froid ou chaud, intellectuel ou sensible, à l’endroit de cette personne. Que, le plus triste, c’est toujours ignorer — ou croire prétexte — la réalité de ma tendresse, j’aime pour toujours qui j’ai aimé une fois. Lorsque je parle de ces êtres, la plupart du temps, j’en parle avec amour et, surtout, comme quant aux parents, je ne supporte pas que d’autres les critiquent. Je déteste entendre dire du mal de Mehdi de Marie-Anaïs et, même, étonnamment, de Marine.
Je m’appuie sur les êtres, mes souvenirs, les biographies pour produire mon monde et comprendre celui des autres. L’exposer publiquement ne vise jamais à humilier, insulter ou faire mal. Lorsqu’il s’agissait de Marine, Yasmine etc, publier palliait le silence imposé, entretenait une conversation qui, même fictive, me donnait accès à la réalité. Il faut comprendre que le silence, et les sourds en témoignent, les sourds d’avant l’abbé de l’épée, rend fou, délirant, idiot.
Considérant le droit à l’expression comme fondamental, y compris le mien, je trouvais, là, un espace qu’on ne pouvait censurer. Le psychiatre, lui, préférerait que je ne sois pas à la recherche de justice. J’entends, moi, par justice, non pas la défense de mon intérêt ou la déclaration incontinente de mon immunité, mais l’application par les autres des valeurs qu’ils profèrent et des buts qu’ils visent. Je ne me permets au final que ce qui se déduit de leurs revendications. Il m’arrive, parce que la colère me prend, de déborder, et, aussitôt, de le reconnaître, d’en accepter, même, la remontrance à condition, évidemment, que celle-ci se place au juste endroit — c’est à dire décidée abstraitement hors des passions— sur l’échelle des sanctions.
Je m’étonne, réellement, tristement de ce que des suppositions psychologisantes dominent, tout entières, des éléments objectifs, manifestes, répétés. Lorsque Romain me traitait de pervers ou de fou, faisant, passant par la folie, une sorte de concession purement formelle, un doute de cordialité auquel il ne croyait pas et dont il exprimait, d’ailleurs, la dubatibilité, il agissait, encore, de cette manière là, quoi que je pus objecter de réel, de fondé, d’archivé, de vaste, je me trouvais réduit à mon apparence, à sa croyance que rien ne pouvait ébranler, que rien, surtout, ne devait, ébranler. La psychologisation sincère eût voulu que, s’il ne pouvait s’abstenir, il s’assure de mon mouvement intérieur, des mes retenues — encore retenues — au moment de parler à Marie-Anaïs. Par l’assaut des mots il imaginait, je pense, la prémunir, la protéger, se garder d’un pire. Parce qu’encore une fois, au-delà même des suppositions psychologiques, c’est à dire de fondements antérieurs, ces façons de penser, se projettent dans des situations futures tout aussi hypothétiques. Et, moi, je me retrouve, murs rapprochés comme dans les labyrinthes, dans cet étau. Toute parole accuse. Y compris la parole tierce, la parole rapportée, celle indépendante de moi.
Il m’a fallu du temps pour comprendre le mouvement, là, celui de Marie-Anaïs à mon endroit, les gens, proches, de sa compagne à Louis, par exemple, soutiennent que elle n’a jamais dit du mal de toi ou elle s’inquiète pour toi. Ce qui, de fait, lui donne l’apparence — elle ne ment ni ne triche se soucie vraiment à ces instants — de la compassion. Or, dans le même temps, elle écrit au monde entier, se défendant, que je la harcèle, que je ne supporte pas la rupture ce qui, objectivement — parce que ça m’est rapporté ce qu’elle ignore — m’insupporte par, comme je l’exprimais avant, un orgueil mal venu et un souci, dans mon cas, de justice, c’est à dire de traitement objectif, le plus objectif possible, des données. Les valeurs ne peuvent pas varier à cause d’hypothèses douteuses. Ceci me rend tout à fait malade, la conception du harcèlement, de la manipulation, de l’agression sexuelle. En bref, chose la plus ordinaire et barbare, le double standard.